OGM, salon de l’agriculture et maintenant nucléaire, sur trois sujets récents, les prises de positions de Nicolas Sarkozy ont de quoi choquer et décevoir la mouvance écologiste. A quelques jours des élections régionales, le pari est dangereux.
Sarko, faux écolo
Quand la Commission européenne décida voici 8 jours d’approuver l’autorisation de distribution par l'Agence Européenne de Sécurité des Aliments d’une pomme de terre génétiquement modifiée par le laboratoire BASF, la France est restée étonnamment silencieuse. Alors que l’Autriche et l’Italie annonçaient immédiatement qu’elles interdiraient cette commercialisation sur leur territoire, les autorités françaises se réfugièrent derrière l’avis attendu du Haut Conseil des biotechnologies (HCB), un collège d'experts créé en 2008. . Les arguments, justifiés ou pas, contre cet OGM sont pourtant nombreux : l’opinion française est défavorable aux OGM ; les analyses fournies sur cet OGM n’ont pas été réalisées de façon indépendante ; des croisements de pommes de terre sans manipulation génétique procurent déjà à ce légume de belles protections. De son côté, BASF se montre prudent, après un lobbying efficace auprès des autorités européennes: « Quatre pays ont indiqué être intéressés par cette pomme de terre génétiquement modifiée destinée à la production d’amidon pour l’industrie. Il s’agit de la Suède, de l’Allemagne, de la République Tchèque et des Pays-Bas. Ce projet ne concerne donc pas la France » a expliqué son responsable environnement dans les colonnes d'un site favorable aux semenciers, animé par Gil Rivière-Wekstein. Ce dernier s'est fait connaître en dénonçant les attaques contre les OGM.
Samedi matin, Nicolas Sarkozy s’est enfin rendu au Salon de l’Agriculture, quelques heures avant sa fermeture. Lors de sa table ronde, dans une cabine marron à l’écart du public et avec certains représentants de la filière, le Monarque eu cette phrase malheureuse à propos des contraintes environnementales imposées à l'agriculture française : «Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire». Il a ainsi défendu que les normes environnementales ne soient pas plus dures contre l'agriculture française qu'ailleurs en Europe. Le minimum européen, pas plus ! «Le maître mot, c'est le pragmatisme». Sarkozy plante-t-il le Grenelle de l'Environnement, s'est demandé le quotidien Libération. Son ministre du développement durable est venu à la rescousse de son patron, dimanche sur RTL: «Il ne nous a jamais lâchés sur aucun sujet. C'est même toujours lui qui nous a poussés à aller plus loin» a expliqué Jean-Loui Borloo. Mais du côté des associations qui ont participé au Grenelle, la petite phrase du Monarque ne passe pas.
Le Docteur Folamour
Lundi 8 mars, le président français a prononcé un vibrant plaidoyer pour le développement du nucléaire civil. Il ouvra à Paris une conférence internationale sur l'accès au nucléaire civil organisée par la France.
Depuis son élection en mai 2007, Nicolas Sarkozy a usé et abusé de diplomatie atomique. A chacune de ses visites à l’étranger, il a tenté de promouvoir la filière nucléaire française, et sans se soucier de la stabilité politique des pays concernés, et encore moins de leur régime démocratique : la Libye, l'Algérie, la Tunisie, l'Afrique du Sud, l'Inde, l'Arabie Saoudite, Abou Dhabi, l'Egypte, et même l'Iran ont droit au nucléaire civil, surtout s'il est français.
Or le nucléaire est une énergie qui pose de nombreuses questions. On ne se remet pas d’un accident de centrale. On ne sait pas recycler les déchets. On contrôle mal les adaptations militaires de la technologie civile. Et on oublie souvent que l’énergie nucléaire ne provient pas d’un miracle. Il lui faut de l’uranium, un minerai précieux qu’il faut dénicher, extraire et contrôler dans des pays en voie de développement.
Pourquoi Nicolas Sarkozy insiste-t-il autant ? Primo, la France a des atouts en la matière. Ses entreprises (AREVA, EDF) sont très bien placées. La seule AREVA représente 75 000 collaborateurs et 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le président, comme tous les présidents français, aime défendre les champions nationaux. Ensuite, le Monarque croit avoir trouver une issue idéologique à un modèle intenable : l’épuisement des ressources naturelles, et les enjeux de pollution qui l’accompagnent, ont décrédibilisé au moins partiellement la perspective d’une croissance économique sans limite. Depuis un an, Sarkozy tente d’être offensif contre le spectre de la décroissance. Il avait confié à Chantal Jouanno, son ancienne conseillère à l’écologie devenue secrétaire d’Etat en juin dernier, le soin de poser les bases de ce que devrait être l’écologie et le développement durable version UMP. Lundi à Paris, il a rappelé sa (déjà) vieille thèse : « Les idéologies de la décroissance sont des idéologies égoïstes qui veulent maintenir les pauvres dans la pauvreté ». dans ce combat, il croit que la promotion du nucléaire lui permet d’éviter toute remise en cause du modèle économique sous-jacent, tout en répondant à la question de l’épuisement des énergies fossiles : « L'énergie nucléaire, couplée aux énergies renouvelables, est seule à même de préserver le climat et doit être développée hors du club de pays riches qu'est l'Organisation de coopération et de développement économiques ».
Le voici donc qui demande à la communauté internationale de se mobiliser pour la propagation du nucléaire dans le monde : « La situation actuelle revient, en fait, à condamner les pays à une énergie plus chère et plus polluante». a-t-il dit. « Exigeons que la Banque mondiale, que la BERD, que les banques de développement s'engagent résolument dans le financement d'une énergie nucléaire civile propre. » Au prix d’une immense confusion affirmée avec leculot monstre dont il a le secret, il n’hésite pas à assimiler le nucléaire aux énergies renouvelables. Aurait-il trouvé une solution au recyclage des déchets ?
Au passage, le Monarque a voulu donner un coup de pouce à la filière française, plantée en janvier dernier par les Emirats Arabes Unis qui lui préférèrent un consortium coréen pour la construction de ses futures centrales: « aujourd'hui, le marché ne classe que selon le critère du prix ». A relire l’histoire de cette échec français, Abou Dhabi a pourtant considéré que la sécurité était équivalente entre les deux projets français et coréen. L’EPR, le fleuron national que la France tente de vendre à l’étranger, pâtit surtout de son prix prohibitif, assorti de ses retards de fabrication dans ses deux seules implantations (3 milliards d’euros de surcoût en Finlande). Sans parler de la critique récente des autorités de régulation française, britannique et finlandaise sur ses normes de sécurité.