Obscurantisme

Publié le 08 mars 2010 par Jfa

Dans Marianne2,  habituellement mieux inspiré, un article d’une “enseignante depuis 8 ans”, et donc dotée d’une solide expérience, “professeur de philosophie”, et donc habilitée à parler de tout, s’en prend à Ph. Meirieu, pédagogue reconnu et tête de liste d’Europe-Ecologie  en Rhône-Alpes.

D’entrée, l’ignorance le dispute à la bêtise et à la malhonnêteté intellectuelle: “Philippe Meirieu peut être considéré comme l’introducteur, en France, des nouvelles pédagogies importées des Etats-Unis et dont la dangerosité a déjà été analysée par Hannah Arendt dans les années 60 (voir à ce sujet La crise de la culture)”. La suite n’est que rammassis de calomnies (tel le “référentiel bondissant”) et d’énormités sur “le savoir sacrifié”:

“Exit donc l’effort, la discipline, les estrades, le par cœur, les classiques, les cours magistraux…Bienvenue le ludique, les romans de gare étudiés en classe, la disposition de classe en U pour faire plus « cool », l’interactivité (c’est-à-dire les cours transformés en café du commerce…) et les TIC…”.

Ah..!  L’heureux temps où l’enseignant “transmettait les savoirs” du haut de son estrade en regrettant de ne pas disposer de “chaire”. Ah..! L’heureux temps du “par coeur”, de la répétition et du cours magistral…  Ces méthodes persistent, heureusement pour Anne Frémaux, en certains endroits du monde: les madrassa du fin fond du Pakistan et d’Arabie Saoudite.

Ceci dit, soyons honnêtes, reconnaissons qu’alors cela fonctionnait à peu près. Mais pourquoi ?

Cela fonctionnait à peu près parce qu’à cette époque, l’image n’existait que dans les livres ou au cinéma, la “com” et le “zapping” ne régnaient pas. Parce qu’à cette époque, l’élève qui ne voulait pas “travailler” sortait ou passait son temps à lire au lieu de se vautrer devant la télé. Parce qu’à cette époque, 10 à 20% des élèves entraient en 6ème: les enfants des classes moyennes et supérieures, et que les autres allaient en fin d’études, la moitié obtenant leur “certificat”.

L’éducation s’est depuis massifiée sans se démocratiser, la société s’est médiatisée, certains établissements se sont ghettoïsés, les populations scolaires ont changé et, hélas, encore trop d’enseignants n’ont pas pris la mesure des changements de méthode que cela obligeait, reproduisant l’enseignement qu’il avaient subi (et qui avait bien fonctionné pour eux puisqu’ils étaient devenus profs), regrettant l’heureux temps des classes homogènes dès la 6ème et du bonnet d’âne au primaire. Ces gens_là n’ont pas compris que rendre Mai 68 et le “pédagogisme” responsables des difficultés de l’école, c’est faire du sarkozysme.

Alors, certes, les thèses de Ph. Meirieu sont critiquables, comme toutes thèses. Mais elles prétendent simplement que l’élève doit fabriquer ses connaissances au lieu d’être le réceptacle passif et discipliné auquel on “transmet”.  

Qu’on me permette en conclusion de proposer à l’obscurantisme réactionnaire de “l’enseignante depuis 8 ans” ces quelques lignes: “Les méthodes nouvelles qui ont pris tant de développement, tendent à se répandre et à triompher : ces méthodes consistent, non plus à dicter comme un arrêt la règle à l’enfant, mais à la lui faire trouver. Elles se proposent avant tout d’exciter et d’éveiller la spontanéité de l’enfant, pour en surveiller et diriger le développement normal, au lieu de l’emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il ne comprend rien”. Sont-elles de Ph. Meirieu ? Non. Elles datent de 1880 et sont de Jules Ferry.

En fait, tout ce pathos pour conclure que cette dame ne votera pas en Rhône-Alpes pour Ph. Meirieu. Le débat démocratique mérite infiniment mieux que ces inepties.

- Au bac L (Littérature), “Les Pensées” de Blaise Pascal remplacées par le tome 3 des “Mémoires” du Gal De Gaulle. Télérama.

- “A Nice, le train des polémiques sécuritaires ne s’arrête pas”. Le Monde.

- “Stéphane Gatignon, du rouge au vert”. Le Monde.