En France, la censure c'est maintenant

Publié le 08 mars 2010 par Petistspavs

Amnesty censuré.

Dans un communiqué, Amnesty International France déplore la recommandation de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité de ne pas diffuser un visuel de sa campagne : « Les violations des droits humains sont toujours à la mode ».

Réalisée gracieusement par TBWA, cette campagne est composée de trois visuels qui mettent en scène trois cas de violations de droits humains : les violences conjugales, les expulsions forcées et la répression de la liberté d’expression. L’ARPP a recommandé de ne pas diffuser le dernier visuel parce qu’il porterait « atteinte à l’image de la profession des policiers ».


Nous ne verrons donc pas ce visuel dans les couloirs du métro parisien.

Moi, je ne vois pas en quoi l'image la police française pourrait se sentir  "atteinte" par cette représentation de la violence bien entendu étrangère à nos pratiques démocratiques et républicaines. On voit bien que les polices visées sont iraniennes ou chinoises, nord-coréennes ou birmanes... Non ?

Lien vers la nouvelle campagne d'Amnesty, CLIQUER ICI.

Quelques jours avant, une autre affiche avait été également interdite de métro. La voici.

Je ne connais pas vraiment Saez, mais en refusant son "visuel", les sociétés chargées de l'affichage dans le métro parisien et sur les kiosques à journaux (CBS Outdoor, Clear Channel, Decaux et Mediatransport) ont attiré mon attention et éveillé ma curiosité. D'autant que la photo est signée Baptiste Mondino, professionnel de grande renommée artistique qui a travaillé dans le passé pour Björk, pour Alain Bashung, Prince, Les Rita Mitsouko et David Bowie.
Une première version de l’affiche a été jugée « dégradante pour l’image de la femme » et « contraire à la recommandation 'Image de la personne humaine'" par l'Autorité de régularisation professionnelle de la publicité (Arpp) ». Donc interdite et retirée.
"On nous a signalé ça il y a quinze jours. Évidemment, il était hors de question de changer le visuel. C’est un an de travail", explique aujourd’hui Damien Saez aux Inrocks.com. "Je n’ai pas la sensation que les couloirs de métro m’aient attendu pour dégrader l’image de la femme. Avec le J’Accuse dessus il n'y avait pas de doute possible. Il s'agissait d'utiliser la pub pour lutter contre la pub."
Une deuxième version de l’affiche, sans la photo, mais avec la mention "La photo initialement prévue pour cet affichage a été interdite dans les couloirs de nos métros. J'accuse". a également été interdite par Mediatransport, alors que dans cette version, l'affiche ne semblait plus donner une image dégradante de qui que ce soit, me semble-t'-il. Si, une image dégradée des censeurs, pensez-vous ? Oui, peut-être.

Quand on voit ce qu'on voit dans les couloirs du métro, on a tendance à se dire ce qu'on se dit quand l'impression nous vient qu'on nous prend pour du bétail.

Ces histoires de censure, ce retour à un ordre moral à la Peyrefitte, commencent à devenir préoccupants. On retire une clope à Malraux, une pipe à Tati, la fumée sort on ne sait d'où sur l'affiche du Gainsbourg de Joan Sfarr, puis on interdit une femme à poil (sauf quand c'est pour une marque de jeans, par exemple, ou de parfum très cher...), puis c'est carrément Amnesty qui trinque avec son affiche sur ... la liberté d'expression. Dangereux tout ça. Le métro, comme tout espace public, semble devenir un espace publicitaire salement fliqué.

J'aime pas ça.

'Attention les petits amis, je ne suis pas dupe de la roublardise du Saez en question. Mais j'aime pas la censure.

Comme je n'aime pas les propos injurieux tenus par Sarkozy au Salon de l'agriculture, samedi (une manie !) à l'encontre du journal d'opposition Libération. Des propos incitant à ne pas lire Libération (je m'étonne de ne rien trouver sur internet de propos que j'ai entendus au 13h00 d'Inter). Monsieur le Président, même dans votre France flicarde qui doit supporter vos fautes de français à longueur de discours, il y a des gens à l'esprit libre qui ne se contentent pas de la presse de vos amis Bolloré (direct Matin et soir) ou Dassault (Figaro and Co). Vos propos contre Libé sont aussi, venant du chef de l'État, une forme de censure.

Tiens, ça me rappelle une couv' de Charlie Hebdo, il y a bien longtemps, signée par Wolinski. J'attendais une occasion de la publier ici et cette histoire de censure me la donne. Wolinski pose une question philosophique : le racisme fait-il vendre ?

Ah, c'était plus poétique que Mondino et moins violent qu'Amnesty
et on se demande pourquoi Charlie Hebdo était régulièrement interdit de vente.