Hier, le Matin Dimanche nous a proposé une interview du conseiller administratif genevois Pierre Maudet qui s'exprime sur la volonté de sa collègue Sandrine Salerno de marcher dans le sillon creusé par Lausanne en offrant la possibilité aux jeunes sans-papiers de faire un apprentissage.
L'élu radical disserte sur l'illégalité plus ou moins avérée de la mesure en affirmant que la formation par la voie de l'apprentissage dual est un travail plus qu'une formation. Selon lui, preuve en est le fait que l'Office fédéral de la formation et de la technologie (OFFT) est chapeauté par la ministre de l'économie Doris Leuthard ... Une affirmation aussi peu pertinente que celle qui consisterait à affirmer que le patinage artistique fait partie des "arts de la guerre" sous prétexte que l'Office fédéral du sport fait partie du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports. Reconnaissons plutôt que le fait de déterminer si l'apprentissage est avant tout un travail ou une formation est une affaire extrêmement compliquée dont l'issue n'est pas évidente et qui nécessite une solide connaissance en matière de droit national et international.
Mais passons, car, l'essentiel de l'article ne réside pas dans ce débat, mais dans une affirmation de Pierre Maudet selon laquelle "[les] Municipalités [qui] annoncent qu'elles prendront des clandestins comme apprentis [...] plantent les germes de la xénophobie." Pour se justifier, l'élu genevois porte un jugement péremptoire contre ces dernières : "Car en annonçant cela, [les Municipalités concernées] s'engagent à recruter spécifiquement au moins tant de sans-papiers sur la prochaine volée d'apprentis. Cette priorité à l'engagement est une forme de discrimination positive."
Le problème est que la réalité bien complètement différente. Jamais la ville de Lausanne n'a envisagé d'engager un quota d'apprentis sans-papiers ou d'accorder une quelconque priorité à ces derniers. La nuance est de taille et figure noir sur blanc dans le préavis municipal par lequel l'exécutif lausannois s'engage à "ouvrir l'accès à des places d'apprentissage dans l'Administration à des jeunes sans-papiers ayant terminé leur scolarité obligatoire à Lausanne et à définir avec le Canton les modalités relatives aux inscriptions aux examens finaux".
Il n'est donc pas question de discrimination positive en faveur des apprentis sans-papiers au détriment des apprentis "légaux", mais d'annuler une discrimination - négative ! - qui fait que les sans-papiers n'ont pas accès à l'apprentissage, quelles que soient leur compétences. En clair, l'objectif est de laisser la possibilité aux sans-papiers de se présenter aux examens de sélection qui précèdent toute entrée en apprentissage. Rien de plus, rien de moins.
Pierre Maudet est-il mal renseigné ou tente-t-il d'infléchir l'opinion publique en brandissant l'épouvantail de la xénophobie ? Je n'en sais rien. Mais deux choses sont certaines : dans le premier cas, il fait preuve d'incompétence et, dans le second, il joue l'antienne des partis qui essayent de faire croire aux aveugles qu'en crevant un œil aux sourds ils y verront mieux.
Mots-clés : apprentissage, Maudet, sans-papiers, xénophobie