On a déjà écrit, depuis hier, de très belles choses sur Mark Linkous (Sparklehorse). Sa disparition me laisse dévasté, mais ne me surprend pas
vraiment. On le savait en sursis. En 1996, il avait déjà effleuré la mort. Approchée de trop près sans doute, déjà, pour qu’il sache la tenir définitivement à distance. Il l’avait d’ailleurs dit
en interview, notamment quand sortit le dernier album de Sparklehorse en 2006 : la musique, seule, le gardait en vie. Avant-hier, elle n'a plus suffi.
Il fallait le découvrir sur scène pour mesurer sa fragilité de survivant. Je me souviens de la première fois que je l’ai vu, à la Cigale, en 2001, je crois. Pour son troisième album déjà. Sous son chapeau, démarche mal assurée, titubante, livrant une prestation où la douceur se mêlait à la rugosité. Sa voix, si fragile, si bouleversante. Et aussi la violence de sa guitare saturée exorcisant – par à-coups – un mal-être inextinguible.
Aussi dissemblables que furent leurs disques, Mark Linkous me procura les mêmes émotions qu’Elliott Smith.
Tous deux, comme deux faces d’une même médaille. Tous deux, compagnons de route, de déroute. Que je n’ai jamais cessé d’écouter. J’aurais préféré que cette association demeure intime et
subjective, que Mark Linkous ne choisisse pas de se tirer une balle dans la tête et de rejoindre l'auteur de Between the Bars dans la colonne "fait divers" des héros maudits du
rock & roll. Pourtant, il me suffit de réécouter Sad and Beautiful World ou le paradoxal It’s a Wonderful Life pour me reprendre, pour y croire. Encore. Toujours. La musique
de Sparklehorse a – comme, avant elle, celle d’Elliott Smith – ce genre d’effet magique. Malgré ce 21 octobre 2003. Malgré ce 6 mars 2010.