Le retour à la surface du discours prononcé par Nicolas Sarkozy le 29 avril 2009 à propos du projet du Grand Paris a provoqué un certain nombre de réactions. Les unes sont d'approbation, tout en reconnaissant parfois une relative brutalité dans la formulation, tandis que d'autres accusent ceux qui commentent les propos présidentiels de les sortir de leur contexte.
J'opposerai aux premières que la parole présidentielle peut emprunter plusieurs formes. Elle peut être spontanée, ce qui nous valut d'entendre, au Salon de l'Agriculture 2008, un " casse-toi, pauv'c... " de la part du candidat qui, sur un ton docte, prétendait enseigner à son adversaire qu'un président de la République devait rester maître de ses nerfs. Je demeure indulgent devant les dérapages de ce mode d'expression. Mais il en est un autre, où le Président lit un texte écrit, même si parfois il semble le découvrir en même temps que nous, et là, les écarts ne sont guère pardonnables. Certes, il atténue l'exhortation " Il faut rendre constructibles les zones inondables " par la correction " mais par des bâtiments adaptés à l'environnement et au risque ", mais la vigueur de l'appel à un libéralisme plus ou moins freiné subsiste. Si vous prêtez d'ailleurs attentivement l'oreille, vous constaterez que Nicolas Sarkozy n'a pas dit constructibles mais constructives. S'agit-il là d'une erreur de prononciation ou d'une maîtrise imparfaite du français ? Je suis évidemment dans l'impossibilité de trancher.
Quant aux accusations de sortie du contexte, je répondrai que c'est Sarkozy lui-même qui, à partir de remarques peut-être judicieuses sur la construction dans le Grand Paris, déborde ce sujet pour entamer un plaidoyer général en faveur de la déréglementation. Paradoxal de la part d'un Président qui, à chaque problème, réclame une loi nouvelle, sédiment supplémentaire qui vient s'ajouter aux couches précédentes, sans le moindre effort d'harmonisation.
Revenons sur ce vibrant appel à la déréglementation. Si l'on veut assurer la sécurité des citoyens, thème favori de nos gouvernants et de leurs journaux télévisés, il convient de préciser dans quelles conditions on pourra construire en zone inondable. Les autorités compétentes élaboreront des codes, des règlements, des décrets, des directives pour spécifier les contraintes à respecter en pareil cas. Remplacer une interdiction pure et simple, impliquant dans le langage sarkozien, un respect passif, par des mesures plus intelligentes, donc actives, rend plus difficile la vérification de l'observation de la loi et, surtout, engendre inévitablement un accroissement d'une réglementation dénoncée comme déjà trop pesante.
Il est de la dernière inconséquence de se faire l'avocat d'une réglementation internationale pour protéger le thon rouge, interdire la pêche à la baleine, limiter les émissions de gaz à effet de serre, encadrer les pratiques bancaires et, dans le même temps, d'entonner avec candeur des slogans aux accents populistes, comme : " Quel est le problème ? Eh bien, c'est la règlementation!"