Que sera la lutte des femmes dans l’Haïti de l’après 12 janvier 2010 ? On parle tant de nouvelle Haïti que le moment semble venu de faire sur cette question de l’équité de genres, la révolution culturelle haïtienne tant souhaité. Les femmes haïtiennes au rendez-vous de tous les combats depuis l’indépendance sont encore aujourd’hui présentes sur le front de la refondation de notre nation, après le trauma du 12 janvier. Et toute refondation véritable passe par la libération de cette énergie créatrice des 50% et plus de la population qui doit jouer pleinement son rôle dans le développement de notre pays.
La
question du sous-développement a toujours été liée à l’enchainement des mentalités et la
reproduction de clichés sexistes et
autres qui plombent toute avancée de la
société haïtienne.
Après avoir été à l’orée du 19e siècle, la mère de toutes les libertés, elle s’est enfoncée dans une régression historique qui en fait aujourd’hui un contre-exemple. Or cette image de notre pays ne correspond nullement au combat quotidien et têtu de nos femmes et hommes pour plus de dignité. Cette pauvreté et cette indigence carabinées sont le résultat de politiques publiques ayant fait d’un mode de gestion rétrograde un horizon indépassable.
Il est prouvé que dans les pays scandinaves l’indice de développement humain est proportionnel à la qualité d’éducation que reçoivent les jeunes gens des deux sexes. Plus une fille reste à l’école, plus elle contribue plus tard à enrichir son pays. Toute proportion gardée, ces statistiques se vérifient aussi en Iran qui compte un taux important de femmes universitaires.
Alors puisque la refondation d’Haïti ne saurait être que matérielle et que pour être durable devrait s’inscrire dans les mentalités et les pratiques. L’après 12 janvier doit ouvrir un chantier fécond autour de la problématique de l’équité des genres, et ce non seulement au point de vue de l’égalité des chances mais dans la résolution des problèmes liés à la violence domestique, au pouvoir illégitime et « féodal » de l’homme aliéné qui dirige son foyer comme une habitation coloniale.
La société haïtienne débarrassée de ses vieux oripeaux machistes entrerait dans la modernité et montrerait la voie à des sociétés dites plus avancées qui trainent encore comme un boulet cette question essentielle pour un Etat de droit au 21e siècle. Oui, nous pouvons étonner le monde comme nous le fîmes par le passé en proclamant les droits imprescriptibles des Hommes, de tous les Hommes quelque soit la couleur de leur peau, en donnant un écho mondial à la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen…à travers une révolution qui changea l’ordre du monde et les schèmes de pensée racistes. Pourquoi ne pas prendre un tournant historique en 20010 en dotant notre pays d’une législation moderne sur la question des droits des femmes, si stratégique pour sa renaissance. Pourquoi ne pas émanciper l’ensemble d’une population femmes et hommes qui regarderaient dans la direction d’un avenir tout neuf pour une terre chérie, la « mère » patrie.
La nouvelle solidarité qui émergerait de
cette société plus unie en ferait le socle sur lequel s’érigerait cette nation
que les Haïtiens d’ici ou d’ailleurs appellent de leurs vœux, mais aussi la
grande communauté des peuples d’Afrique aujourd’hui encore plus que jamais reconnaissante envers
l’avant-garde haïtienne et qui attend avec inquiétude et impatience qu’elle
renaisse de ses cendres.
Ce chemin de l’émancipation des femmes et…des hommes passe par la nouvelle école républicaine à fonder, elle passe aussi par une révolution culturelle qui transformerait les mentalités et aurait un impact certain sur notre qualité de vie.
Trois femmes d’Haïti, militantes du
bonheur humain, aujourd’hui emportées par la catastrophe ont laissé dans le
sillon de leurs luttes des germes d’espoir pour qu’advienne une société plus
solidaire. Anne Marie Coriolan, Myriam Merlet et Magalie Marcelin se sont
battues pour le respect intégral des droits des femmes mais étaient avant tout des égéries de cette nouvelle humanité qui
pourrait pousser sur la terre de nos ancêtres, si nous le voulons tous.
Les femmes et jeunes filles sans abris agressées sous les tentes doivent se souvenir de ces voix chères qui se sont tues…le silence est insoutenable.
Elles ont contribué à faire tomber bien des obstacles à l’émancipation des femmes, elles ont parfois agacé, dérangé, encouragé, mais n’ont jamais laissé tomber le flambeau qui éclairait le firmament de l’autre « moitié du ciel ».
Un flambeau qui ne s’éteindra surement pas avec leur tragique disparition.
Roody Edme