Etrange aveu de Chateaubriand, après qu'il nous a raconté son voyage jusqu'à Jérusalem, celui qu'il a retracé dans son Itinéraire. Notre auteur a déjà parcouru l'Amérique du nord et tout le pourtour de la Méditerrannée, ce qui n'est pas rien au début du XIXème siècle. Il faut avoir envie d'ailleurs, être aventureux, ne pas craindre l'inconfort ni le risque.
Et c'est à ce moment qu'il affirme ne pas aimer voyager! S'il le fait, dit-il, ce n'est pas pour les découvertes, les rencontres, les ruines, etc. c'est pour vivre simplement des périodes de solitude.
J'ai d'abord pensé qu'il y avait beaucoup de pose romantique dans cette déclaration. On fuit les hommes et on va rêver au bord des cascades sublimes, des précipices sans fond, des mers déchaînées. La méditation est encore plus grandiose, n'est-ce pas, au milieu des déserts immenses, des océans infinis, ou au bord de la cataracte du Niagara.
Mais peut-être finalement que non. Chateaubriand bien entendu se met en scène et arrange les événements, comme la plupart de ceux qui se racontent, peut-être un peu plus que d'autres, mais pourquoi ne pas lui accorder un fond de vérité?
Nicolas Bouvier disait qu'une des vertus du voyage, c'est qu'il vous rince, vous essore, vous amaigrit. Peut-être Chateaubriand recherchait-il la même chose. Un éloignement social, un tête-à-tête avec soi-même, une coupure des habitudes. Cet état de sagesse où, finalement, confronté aux formes inconnues et strictement extérieures, on prend conscience de la forme de son moi – et il est tout petit.