Intraculture et consanguinité.

Par Selectionsavicoles

INTRACULTURE ET CONSANGUINITE


On désigne sous le nom d'intraculture l'accouplement de sujets apparentés par le sang, sans tenir compte du degré de cette parenté, tandis qu'on appelle consanguinité l'accouplement entre parents proches, mais avant tout entre frère et soeur. Les avicul­teurs avaient autrefois une terreur tout à fait ridicule de l'intraculture ; elle portait la res­ponsabilité de toutes les difficultés imagina­bles, possibles et impossibles, de l'élevage. On admettait en effet que du fait de la con­sanguinité intervenait un affaiblissement, absolument contraire à la nature, des sujets obtenus, et avant tout, une diminution de la force vitale et de la fécondité.

Mais la science a prouvé entre temps que l'intraculture ne peut pas être aussi dange­reuse. Nous devons cependant, bien en­tendu, faire une différence entre les ani­maux vivant en liberté avec libre choix de leur reproduction, et les animaux domesti­ques. Chez les animaux vivant en liberté il est prouvé par exemple que pour les lièvres pendant toute leur existence ils s'éloignent très rarement de plus de 3 km de leur lieu de naissance. On peut donc imaginer quelle confusion d'accouplements entre pa­rents, enfants, frères et soeurs, peut être la conséquence de ce fait. Et pourtant, on n'a jamais pu constater encore nulle part de dommages importants causés par cette in­traculture poursuivie pendant des dizaines d'années.

Les cerfs sauvages de Nouvelle‑Zélande sont issus, en tout et pour tout, de 3 ani­maux qui furent importés d'Angleterre en 1864. Ils se sont multipliés et sont bien su­périeurs, en vigueur, à leurs cousins anglais dont ils sont issus. On peut certes admet­tre que, par suite de la lutte pour la vie et de la sélection naturelle, les dommages de l'intraculture ont été combattus; mais il existe aussi, chez les animaux domestiques, une grande quantité d'expériences qui devraient convaincre les incrédules de l'innocuité de l'intraculture. Les « Kladruber » ces magnifiques chevaux de la maison impériale autrichienne, se sont reproduits par intraculture en une seule souche con­sanguine pendant plus de 100 ans, sans avoir rien perdu de leur beauté et de leur grande taille.

Miss H. D. King entreprit, avec des rats blancs, des essais d'élevage au cours des­quels elle éleva deux couples de rats, de grosseur normale, pendant 25 générations; à la fin de la série d'expériences, le poids de leurs corps avait augmenté et leur fertili­té s'était considérablement accrue; en ou­tre, la durée de leur vie s'était allongée. On avait donc pratiqué là l'intraculture la plus serrée, mais les faiblards de la première génération avaient été éliminés. De sem­blables expériences ont été faites par G. M. Rommels, S. Wright, et Castle. Dans tous les cas, l'intraculture se révéla ‑ par elle­-même absolument inoffensive: au contraire, on obtint des animaux plus forts et plus lourds que les sujets standards de la race.Il résulte donc de tout cela que l'intracul­ture est peu dangereuse. Si, cependant, on a constaté de temps à autre des dommages «  causés par l'intraculture » , il s'agit là de combinaisons défavorables de facteurs, dans le sens des lois de l'héridité mendé­lienne. Admettons un instant que le fac­teur, le caractère, d'une faiblesse quelconque existe chez un animal, à l'état latent, et que cet animal soit accouplé avec un autre qui ne possède pas ce facteur; nous obtenons, dans la génération F 1 des sujets qui possèdent à l'état latent ce caractère défavorable, facteur récéssif. La généra­tion F 1 paraît donc apparemment saine. Mais si, à la génération F 2, on accouple des frères et soeurs, on arrive à une scission et un quart des sujets obtenus reçoit ce facteur défavorable, comme marque hé­réditaire pure; et s'il s'agit, par exemple, d'une faiblesse favorisant la formation de la tuberculose, un quart de la progéniture sera tuberculeuse.

Ce sont là ce que l'on appelle les incon­vénients de l'intraculture, si redoutés des profanes. On ne doit pas nier, cependant, que la consanguinité nous fournit aussi des sujets exempts de ces facteurs défavora­bles, et qui possèdent ces marques de bonne santé intégrale, à hérédité pure. Si l'on reproduit ensuite, à partir de ces ani­maux, on obtient alors une souche parfaite­ment saine sur laquelle " la consanguinité n'a pas de prise ".

Seuls les animaux à hérédité scindée, les hétérozygotes, entraînent des difficultés pour chacun de leurs caractères défavora­bles. Chez eux, dans la plupart des cas, les facteurs héréditaires favorisant la tuber­culose ou dautres maladies, ou simplement une certaine faiblesse, seront cachés, ré­céssifs. On ne peut donc les voir, on pour­suit alors la reproduction avec eux, et l'on obtient toujours un quart des animaux ma­lades.

Donc, lorsque nous voulons pratiquer l'in­traculture, la condition préalable du succès est de n'utiliser que des animaux parfaite­ment sains et vigoureux. Les animaux qui, même d'une façon temporaire, ont souffert d'un organe quelconque, n'entrent pas en ligne de compte pour l'intraculture, parce que le danger existera toujours qu'ils trans­mettent à leur progéniture ‑ sous une forme plus ou moins récéssive ‑ leur propension indésirable à une disposition pour certaines maladies. Celui qui veut alors pratiquer l'in­traculture doit tout d'abord veiller à ce que la reproduction ne soit entreprise qu'avec des sujets parfaitement sains, et éviter, dans la mesure du possible, les accouple­ments entre frères et soeurs pour éviter la scission toujours critique.

Pour éviter l'accouplement entre frères et soeurs, on devrait employer ‑ dans la me­sure du possible ‑ le système inventé par l'américain Felch, le système dit d'accou­plement en lignée. La condition de succès de ce système est, bien entendu, le con­trôle rigoureux de l'origine des sujets. Ce système de l'accouplement en ligne sup­pose des sujets sains, sans parenté entre eux, et de bonne race. Ils sont accouplés les uns avec les autres et produisent une génération croisée qui possède, à raison de la moitié chacun, les caractères ou les fac­teurs héréditaires des deux parents. Puis, le coq du type le plus pur est accouplé avec la mère, et les meilleures poulettes, avec le père. Par exemple, si l'on élève une race qui, en partant d'une souche unique, est sé­lectionnée sur la base des femelles, le sang de la poule " tête de souche" s'accumule chez la progéniture de troisième génération; les sujets possèdent alors les trois quarts du sang (et des facteurs héréditaires) de la poule tête de souche, et un quart des fac­teurs héréditaires du coq tête de souche (leur ancêtre). Ces accouplements peuvent être répétés plusieurs fois, inversés. Il est possible, de cette façon, d'élever des sujets qui suivent de très près les sujets originaux (têtes de souche). Par les accouplements inversés, avec le père, on obtient alors une deuxième lignée, qui peut être également de tout premier ordre si le coq tête de sou­che (le père) est de la meilleure origine.

En réalité, ces deux lignées devraient être élevées, reproduites, séparées l'une de l'autre. Malheureusement, la plupart des éleveurs ne peut entretenir qu'une souche; on en est donc réduit à ne poursuivre l'éle­vage que d'une seule lignée. Ce désavan­tage est cependant contrebalancé par le fait que, si l'on observe les sujets pendant leur vie, et avec soin, on peut en reconnaître, en discerner, tous les défauts et toutes les qualités. Si l'aviculteur exploite convena­blement cette connaissance, il peut vrai­ment pratiquer une sélection, ce que ne peut faire le grand éleveur avec son exploi­tation de masse.

C'est seulement lorsque meurent des su­jets qui étaient destinés à la reproduction de la lignée que l'on peut, pour une fois exceptionnellement, recourir à l'accouplement entre frères et soeurs; chez ceux‑ci, on pourra observer alors plus d'une mani­festation héréditaire, due aux lois de Men­del ; on en arrive ordinairement à une scis­sion, dans laquelle des particularités qui sont restées récessives, cachées, pendant des générations entières, se manifestent à nouveau. Par exemple, que l'on se rapelle que, par suite d'une intraculture trop pous­sée qui se rapproche beaucoup de l'accou­plement entre frères et soeurs, chez les Naines Allemandes à camail doré, le carac­tère inhibiteur de couleur était resté caché, récessif, depuis la création de la race. Le fait qu'une grande partie des rejetons de ces Naines Allemandes à camail doré reste blanche peut être attribué à ce fait.

Au lieu de ce facteur inhibiteur de couleur des Naines Allemandes, on peut accepter, ou introduire même, tout autre marque que l'on désire. Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'un " défaut ", et il est possible d'obtenir, par intraculture des " finesses " spéciales; il s'agit alors des variantes maxi­ma, tandis que les sujets défectueux de­vraient être qualifiés de variantes minima.

Le principal, dans toute intraculture, est toujours l'accouplement systématique qui évite tout mariage entre frères et soeurs, et le contrôle minutieux de leur état de santé, de leur fertilité, de leur croissance rapide et de leur vitalité. Si l'aviculteur ne fait aucune erreur dans cet ordre d'idées, il peut prati­quer l'intraculture pendant des dizaines d'années. Non seulement il n'en tirera au­cun désavantage, mais il reconnaitra que l'intraculture est la meilleure amie de l'éle­veur qui s'entend à la pratiquer de façon correcte.