Rencontre avec Célia Lévi

Par Essel
Ce mardi 23 février, nous avons rencontré la toute jeune Célia Lévi, auteur des Insoumises *, son premier roman, publié chez Tristram en janvier 2009.

Voici le compte -rendu de cet échange :
Pourquoi avoir choisi d'écrire des lettres ?

J'avais ce projet d'écrire des lettres avant même l'histoire. La forme a imposé le propos. On n'écrit pas de la même façon des lettres que des mails. Plus jeune, j'écrivais des lettres, quand les mails n'existaient pas encore.
Par ailleurs, j'aime beaucoup les romans par lettres : Montesquieu, Rousseau, et surtout Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac, dont j'ai repris les prénoms des deux héroïnes, Renée et Louise.
Je trouvais que c'était une tradition littéraire qui se perdait, alors qu'elle permet une liberté dans les propos, dans l'écriture.
Cela me permettait aussi d'être plus naturelle, car j'étais habituée à écrire des lettres.

Depuis quand écrivez-vous ?

Les Insoumises
constitue mon premier roman. C'est la première fois que j'écrivais, j'étais alors âgée de 26 ans.
Cela devait au départ être un scénario par lettres, et puis, au bout de la 5e ou 6e lettre, je me suis rendu compte que c'était davantage un roman qu'un scénario. En fait, avant, jamais l'idée ne m'était venue d'écrire un roman.


Quelles études avez-vous poursuivi ?

J'ai suivi des études de littérature italienne et un peu cinématographiques.

  Avez-vous réalisé des films ?

Un court-métrage.

L'histoire est-elle tirée de votre expérience personnelle ?

Il y a certes quelques passages vécus ou que des proches ont vécus, mais tout le reste provient de la documentation. Le matériau de base, c'est en effet du vécu.

Ecrivez-vous pour les adultes ou pour les jeunes ?
Je ne me suis pas posé la question. Cette période de la jeunesse qui dure à présent jusqu'à 30 ans m'intéressait : c'est ce qui me préoccupait.

Pourquoi n'y a-t-il pas forcément de réponses aux questions de l'une et l'autre ?
C'était pour éviter les répétitions, les lourdeurs. Et puis elles s'éloignent toutes deux petit à petit. Elles écrivent plus un journal que des lettres car elles ne se voient plus.

On a pu remarquer le caractère très littéraire de l'écriture, alors que souvent dans des lettres le style est plus naturel. Pourquoi ?
L'usage de la lettre est très lié aux 18e et 19e siècles. J'ai gardé une forme très classique, tout en parlant de problèmes contemporains et modernes. Je connais mieux la littérature classique que la littérature contemporaine.
C'était très difficile de créer deux styles très différents pour être ou Renée (qui correspond plus à ma manière d'écrire) ou Louise.

Pourquoi avoir choisi le moment des grèves étudiantes en France ?
C'était au moment où le gouvernement voulait faire passer le CPE, ce contrat d'embauche à durée déterminée sur 2 ans. Pour moi, c'est l'un des derniers mouvements qu iest bien passé d'un point de vue médiatique. Il a permis la résurgence de certains slogans de mai 68, d'insurrection française. C'est un mouvement qui a été très instrumentalisé par des groupes d'extrême-gauche, pourtant minoritaires. Quant à la grève du musée du quai Branly, où j'ai travaillé, elle, elle était fictive.

Pourquoi ce titre ?

Parce que le roman abordait deux formes d'insoumission : la première était politique, et la seconde était le refus inconscient du monde vécu comme subi.
Le titre est venu à la fin. Il était à la fois simple et assez neutre.

Pourquoi l'Italie ?

Surtout par tradition littéraire. Tout étudiant aux Beaux-Arts partait en Italie. Et puis je voulais retranscrire les sensations que j'ai pu éprouver en Italie. Mon père est Italien. Il y a un laissez-aller en Italie, une manière de vivre.

Aviez-vous un message à faire passer ?
Qu'il est devenu très difficile d'être jeune. Le travail est devenu un but en soi, parce qu'il est de plus en plus précaire. On subit les pressions familiales et sociales. Quand on recherche un emploi, au 3e refus, on est radié du Pôle Emploi. Et puis l'entrée dans l'âge adulte est de plus en plus repoussé.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire Les Insoumises ?

8 mois. Durant tout ce temps, j'ai exercé divers métiers : j'ai fait du secrétariat, de la traduction, de la figuration pour des films et des séries télé, de l'assistanat à la réalisation, un peu de production.

Dans quelles conditions écrivez-vous ?

J'ai beaucoup écrit en faisant de la cuisine. J'écrivais mieux l'après-midi. Je n'écrivais pas au-delà de 5 pages par jour. J'ai écrit les 15 premières pages sur papier et ensuite sur l'ordinateur. J'ai très peu repris ce que j'ai écrit. J'avançais pour avoir un canevas.

Combien vous rapporte la publication de ce roman ?

Je touche 8% de droits d'auteur, c'est-à-dire 1,50 euro à peu près sur les 18,70 euros que coûte le roman.

Pourquoi Tristram ?

J'ai envoyé mon tapuscrit à beaucoup beaucoup de maisons d'édition, et c'est eux qui l'ont accepté.

Combien de temps a-t-il fallu entre l'envoi de votre manuscrit et l'arrivée du livre en librairie ?

J'ai commencé les envois en juillet 2007,  j'ai eu une réponse positive en mai 2008 et le livre est paru en janvier 2009.
C'est un moment désagréable car on reçoit beaucoup de réponses négatives, et on a un peu oublié ce qu'on a fait.
Heureusement, je n'ai eu que des modifications minimes à faire sur la demande de Tristram.

Avez-vous été surprise par les critiques élogieuses ?

A vrai dire, non, mon éditeur avait déjà eu des échos positifs au jour le jour.
Je savais que c'était important d'avoir une bonne critique.
Je savais que Tristram était une bonne maison d'édition, très aimée des critiques, que leurs livres étaient très attendus. J'étais assez confiante. En fait, être chez Tistram s'est révélé mieux qu'être publiée chez Gallimard car cette maison d'édition a peu de parutions, qui sont donc plus médiatisées. 
Il aurait été noyé parmi d'autres dans les grandes maisons d'édition.
Avez-vous vendu beaucoup de livres ?

Plus de 800. Il paraît que c'est bien pour un premier roman.

Avez-vous d'autres projets ?

Un livre doit paraître en septembre,
Intermittance, précisément sur le statut d'intermittant.