On se demandera toujours ce que donneront les comptes ronds, quand notre ami Didier aura 40 ou 45 ans. Toujours est-il que nous sommes conviés chez lui, avec femmes et bouteilles pour fêter ses 38 ans.
Vous vous en souvenez peut-être, mais il y a un an, Rouen, ou plutôt ses égouts furent victimes d'une pollution un peu particulière et virent passer un liquide couleur orangé, dont l'étiquette de la bouteille était frappé du doux nom de "DRC". Un Grands-Echezeaux 72 terminait sa course en dehors de la piste. Quand on voit le prix d'un litre de Destop, on se dit que c'est moins cher qu'un DRC. La vengeance de notre Dudule national "allait être terrible", comme il s'est amusé à nous le signaler. On pouvait lui faire confiance !
Didier, c'est le philosophe qu'on a toujours rêvé d'avoir au lycée : gentil, bien élevé, capable péter un câble rapidement et de partir sans prévenir dans des pensées qui mes sont étrangères. Ces mimiques ? Il en a plein
Pour cet heureux événement, les vins sont souvent servis pas paire, à l'aveugle et accompagné du repas. Rien n'a été laissé au hasard et chaque vin a été murement choisiiet l'accord a été pensé, avec comme commis de service Guillaume (un de ses plus fidèles compagnon... de boisson).
L'annonce du menu est faite : 2 rouges, 6 blancs, 8 rouges, 2 blancs, 1 sucré et une bulle. Rien que ça !
Chambolle-Musigny 1959 (embouteillé par SA J de Cannière et Cie) : la robe est légère et évoluée. Le vin
Beaune Clos de Mouches 1972 Chanson Père & Fils : plus élégant que le Chambolle, il prend du volume et de la densité à l'aération : roses chaudes, un peu goudron et lait de vache au nez. La bouche est construite sur la finesse et un registre floral et s'achève sur une longueur relative. Intéressant.
Pendant ce temps, notre barbu préféré en est à sa 3ème tranchette tranche de jambon persillé !
2 blancs se présentent en même temps qu'une belle terrine de thon au curry et roquette.
Rully 1er Cru Raclot 2007 de Paul Jacqueson : chèvrefeuille, citronné, agrumes, droit. Finale minérale et saline. Un beau Chardonnay fait pour la table : j'A-DO-RE !
Rully 1er Cru "le Meix Cadot" 2007 Vieilles Vignes de Vincent Dureuil-Janthial : un Chardonnay avec des formes et des rondeurs, beurré et plus fumé, mais plus sur la retenue.
Avantage sur le coup au Jacqueson, mais le Dureuil n'a pas dit son dernier mot.
Mâcon-Pierreclos 2004 "le Chavigne", domaine Guffens : aérien et minéral, subtil et bien élevé (noisette, grillé). Une belle caresse en bouche avec une élégance superlative ! Superbe vin. Non, j'ose dire Grand vin !
Pouilly-Fuissé 2006 "le Clos" Tête de Cru, domaine Ferret : plus riche, plus opulent, plus d'élevage aussi. Une jolie matière mais je suis encore sous le charme du Mâcon de Guffens. Un joli vin tout de même.
Pendant que notre barbu préféré se délecte d'une 6ème tranche de foie gras, les vins 7 et 8 sont servis.
Chablis 1er Cru "les Fourneaux" 2005 de Corinne et Jean-Pierre Grossot : on partirait sans hésiter sur un beau Sancerre. Bien mur, fruits jaunes sur une trame vive, citronnée et minérale au possible. Un brin d'austérité, qui n'engage que moi, qui ne remet pas en cause la finale à l'équilibre parfait et le fait que j'ai beaucoup aimé.
En face, un Chablis 1er Cru "Séchet" de Vincent Dauvissat : plus ouvert, le vin est parfaitement cadré, il est comme propulsé, évident. Un très beau vin, avec plus de puissance aussi, à la minéralité saline marquée.
Match nulpour 2 vins qui en ont encore sous la semelle.
Au tour des rouges...
2 vins sont servis, bus pour eux-même. D'une part, un Coteaux Champenois Ambonnay rouge "cuvée des
Vosne-Romanée "Aux Réas" 2001, domaine Bizot : floral et aérien, un fruit présent et quelques notes de réglisse. C'est soyeux en bouche, presque léger. Ce vin plutôt nature a pas mal fait parler, d'autant que celui qui lui était opposé provenait de la même appellation. Vosne-Romanée "Vieilles Vignes" 2001 de Bernard Dugat-Py : un tout autre style avec un corps bien plus athlétique, quasi bodybuildé, voire dur. Encore bien jeune le bougre, mais ce n'est pas le type de vin que je qualifierai de typique de l'appellation. Ma préférence pour le Bizot sans hésiter, je suis un des seuls.
Un bœuf bourguignon entre en piste.
On change de région, pas de doutes avec ces suivants. St Emilion Canon la Gaffelière 1995 (en magnum) : les arômes de poivron mur m'ont fait partir sur la rive gauche. Perdu ! Le vin est droit, rectiligne. C'est bon, mais à des années lumières du magnifique 2001 bu dernièrement chez Franck ! St Julien Léoville las Cases 1989 : joli nez fumé, de ratatouille (sisi), accompli. Bouche souple et minérale (graphite) . L'ensemble procure un beau plaisir, tant sur la plan de la longueur, que par la plénitude qu'il propose. Pour tout vous dire, je l'ai placé en rive droite (et on pourra refaire le débat sur les reconnaissances à l'aveugle ;-) ). J'ai complètement inversé les deux rives, alors si certain pouvaient faire preuve d'humilité !
Didier nous annonce que le match suivant est fait pour mettre tout le monde d'accord. Nous sommes prêts à le croire.
Graves du Château Haut-Brion 1983 : classe évidente, notes foxées, de fourrure, fumées et lardées. Bouche d'une évidence goudronnée et bien équilibrée. Le vin est typé, marqué, mais il possède une belle finesse.
Son challenger est son cadet de 10 ans. Musigny Grand Cru 1993 de Jacques-Frédéric Mugnier : capiteux, fin, roses chaudes. Le touché de bouche est tout à fait en ligne avec son pédigrée : minéral, terreux. Une finale en dentelle. Match nul pour ce duel Bordeaux/Bourgogne, chacun ayant dans son styles des arguments pour se faire apprécier. Je crois me souvenir que c'était l'avis de beaucoup.
On change de nouveau de couleur : 2 blancs pour apprécier les fromages
Jus de caillou (minéral), champignon, des notes d'aneth sur une fraîcheur relative. La bouche est toute tracée : mure, longue, rectiligne, pâtinée par quelques années. Un très beau Sancerre Clos de Beaujeu 1997 de Gérard Boulay qui a encore beaucoup de chose à dire, de par son expression et sa finesse. Celui en face ne pèse pas bien lourd, tout du moins sur le plan du plaisir. Cependant côté bois, c'est du lourd. "Pas + d'émotions que ça" ai-je noté. Et pourtant, quand on sait qu'on à faire à un Puligny-Montrachet 1er Cru "les Pucelles" du domaine Leflaive, on a de quoi se poser quelques questions !
Une seule petite douceur. L'ensemble évolue telle une tisane de mamie : verveine, tilleul. Attaque encore franche sur le sucre et finale fraîche sur de beaux amères. Pas très complexe, mais un beau vin, d'une belle tenue et certainement que quelques années doivent le contempler. C'est un Sauternes 1983 du Château de Malle.
Des bulles pour terminer : un Champagne, un Moët & Chandon "Grand Vintage" 2000 : étoffé et riche sur des notes d'anis et de fleurs blanches.
Merci à notre Didier pour son immense générosité, merci à ceux qui ont participé pour faire de cette journée un moment de convivialité et de pure bonheur.