Pas
revoir est le livre d'un adieu au père. 79 poèmes d'un récit en
guirlande où présent et passé s'enlacent, où douleur du deuil et joie du
souvenir se font face en miroir. Et aussi un vaste bouquet, une grande brassée de
noms de couleurs et de noms de fleurs qui rythment tout le livre : le
blanc de la neige, des draps, des mouchoirs, des lapins, poules et chèvres du
passé ; le jaune des jonquilles, des forsythias et des boutons d'or, et le
jaune de la peau et des yeux du malade ; le rouge des roses mises partout, des yeux en chagrin, des joues
de la mère, et du cuivre ; le bleu de la robe, du ciel, des oiseaux, des
fleurs ; le vert de la voiture et des bottes ; le gris des baleines ;
le noir de la fourmi, du camion, de la grue, du cambouis, du fauteuil, de la
robe noire, des yeux qui coulent noir, du marc de café ; et d'autres
fleurs encore : œillets d'Inde, herbes folles, coucous, myosotis, lilas,
crocus, grandes fleurs communes, pissenlits, bégonias.
Les fleurs de l'hommage, du don, de la tendresse, car C'est difficile de t'offrir quelque chose, ç'a toujours été. Alors,
Gerbes gerbes les mêmes qu'autant de
courses gagnées mon père fleuri de la tête aux pieds. Quelques êtres
inconscients et sereins habitent le bouquet : guêpe, fourmi, crapaud,
abeille, alouette, bourdon, araignée. Quelques objets aussi, que le père
utilisait chaque jour : bottes, marteaux. Quelques témoins : flaques,
étoiles, cosmos qui n'aide pas beaucoup mais qui est là, qui sera toujours là.
Là-haut vais me coucher après voir des
étoiles.
Je sais qu'elles brillent aussi sur toi.
Des étoiles attendues en mâchant un plat froid.
Le plus précieux, ce sont les souvenirs magiques, rêves mêlés de chansons de
Noël.
Enfant dans les grands sapins verts
c'était toi qui sifflais soufflais enfant dans les grands sapins blancs
La vie est différente désormais :
Miroir dis-moi voir c'est ma tête ?
N'ai-je pas une grimace, une nouvelle ligne aussi à me barrer le front ?
Fais voir un peu ma figure : la figure orpheline ressemblante.
Désormais, on a toute la vie pour élucider les questions jamais posées, et les
plis venant au front seront un héritage.
De la cabine du camion noir tu éprouvais
les routes sans fin. (…)
Tu préférais l'été qui raccourcit les nuits tu avais des soucis à semer sur les
routes ça faisait à ton front des lignes d'horizon
On se sent plus proches que jamais.
Ma main là posée sur la table de dehors.
De la même couleur que sa main à mon père.
par Benoît Moreau
Valérie RouzeauPas revoir, suivi de Neige rien.
La Table Ronde, 2010, réédition de poche (Collection La Petite Vermillon) avec
une préface d'André Velter.
7 €