Enterrement de vie de garçon – Christian Authier

Par Theoma

« L'imprévu perd de son charme quand il apporte des orages ».


Y a-t-il un âge pour enterrer sa jeunesse ? Et si mes amis représentaient chacun une période précise de ma vie ? Et si un de mes amis venait à mourir, prendrait-il avec lui cette tranche de sève qui est la mienne ?

Oui.

Comment ferais-je alors pour accepter cette double perte ? Comment continuer si le cœur est amputé ?

On n'accepte pas. On n'oublie rien. On guérit. L'ami n'est plus. L'âge d'or est scellé. Les souvenirs restent. Ils font souffrir, parfois rire, souvent pleurer. Ils existent.

Christian Authier nous livre 91 pages désarçonnantes qui laissent hagard et groggy. Même pas cent pages diront les détracteurs, 91 pages précisément diront les autres, toutes essentielles. De quel groupe ferez-vous partie ?

Pour ma part, je suis ivre de coups, de ceux qui font du bien même s'ils sont éprouvants car ils donnent du sens aux émotions, aux souffrances, aux non-dits.

Une définition de l'amitié...

« L'amitié, c'est le silence partagé qui renoue instantanément les fils ».

La vie, c'est...

« La vie est l'école de l'absence. On apprend à vivre sans les autres, sans ceux qui nous ont aimés et que nous avons aimés. Et pourtant nous les entendons, nous les espérons ou les craignons. Un jour, Pierre-Louis me parla de ses rêves dans lesquels son père disparu revenait lui parler. De ces absences, on se relève toujours plus éberlué. Surpris d'avoir survécu au désastre. On se regarde dès lors comme si notre corps ne nous appartenait plus, comme s'il continuait à assurer les fonctions de base – parler, boire, se nourrir... - par habitude ou par réflexe. On dit que les canards continuent à marcher quelques instants après qu'on leur a coupé la tête. Nous sommes beaucoup à être de ces canards sans tête. »

Quarante ans aujourd'hui...

« Jamais une jeunesse française n'a été aussi sage que celle conçue entre les barricades de Mai et le départ de De Gaulle. Nos parents avaient été des garnements contestataires, nos grands-parents avaient fait du marché noir, couché avec l'Allemagne ou saboté des trains. Certains de nos oncles crapahutèrent en Indochine ou en Algérie. Et nous ? Gentils garçons et braves filles, nous avons été de toutes les manifestations antiracistes. Nous avons fêté la musique et le cinéma grâce à Jack Lang. Nous avons enfilé des préservatifs sans rechigner. Notre docilité confinait à l'absence. En un mot, nous n'avons pas fait d'histoire.»

La jeunesse...

« Comme un morceau de trottoir fraîchement cimenté que l'on signale par du ruban plastifié reliant des piquets, la jeunesse est une zone à part. Beaucoup ont hâte de la quitter quand ils la traversent avant d'en cultiver la nostalgie le restant de leur vie. Ce paradoxe conserve son mystère par-delà les générations. Tel le ciment, la jeunesse sèche vite et les empreintes accidentelles qu'elle aura reçue deviendront des cicatrices. »

Conservez-vous vos tickets de cinéma ?

« Longtemps, j'ai conservé mes tickets de cinéma. Petits coupons bleus, rouges ou jaunes. Autant de minuscules maillots d'étapes remportées sans effort. Des vestiges de séances qui auront consumé notre jeunesse en cachette dans des salles obscures propices à l'oubli de soi. Ces tickets que l'on repêchait au fond des poches, comme des confettis les lendemains de fêtes, étaient des témoins sages. Des cailloux semés pour retrouver notre route. Ne pourrait-on résumer une vie à la somme des films vus? Au kaléidoscope de ces images dans lesquelles nous cherchions modèles et leçon de conduite? Pourquoi pas? Cet album en vaut un autre. »

Impasse...

« Pour vivre à nouveau, il faudrait oublier. Je ne veux jamais l'oublier. »

J'ai lu, 91 pages pratiquement toutes cornées, 2009

Par Theoma - Publié dans : Romans français - Communauté : Litterature
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