A la minute où la femme apprend qu'elle est enceinte, son entourage proche aussi (vous seriez surpris de la définition que donne ma femme au mot "proche"). A la corbeille le fameux délai de trois mois durant lesquels l'information est censée incarner le secret le mieux gardé du pays. Vous, vous disparaissez. A peine m'étais-je fait à l'idée que mon studio d'enregistrement (entendez par là le bureau sur lequel ronflent le PC et le piano) allait accueillir une paire de fesses sales et inconnues, que ma belle-mère avait déjà balancé une lolette dans la pièce histoire de marquer le territoire.
Car, Messieurs, une fois vos proches au courant, le précieux «je» si délicat à dompter, puis à conserver, se fait la malle. Ne tentez pas de résister, il n’en vaut pas la chandelle. Vous devenez trois. Personne ne vous demandera plus comment vous allez. Vous, tout seul. Apparaît alors une entité tridimensionnelle dont vous héritez la lourde responsabilité. Par SMS, les «à + frangin» se transforment en «bisous à vous trois». Avant-même l’arrivée du bambin, vous n’êtes déjà plus au courant de tous les bastringues. Au mieux, vous recevez une vague invitation demandant si VOUS voulez en être. Soit vos amis se mettent à vous vouvoyer, soit sont-ils encore suffisamment avinés pour imaginer qu'un embryon est capable de faire des choix.
Famille, amis, collègues, emprisonnez mon «je» à votre guise, mais sachez que mon affranchissement ne s’est jamais tu.