San Martin de los Andes – Puerto Varas … 15/12 – 31/12
Nous quittons San Martin un mardi matin par grand soleil. Tout le monde s’est rassemblé pour nous souhaiter bon voyage : Lorenz et Johannes, les deux cyclistes allemands qui continuent vers Santiago, Maxi, Vanina et ses deux fils qui jouent sur la moto de Maxi. Ce sont les premières vacances à vélo pour Laura et Uli et ils sont contents d’être avec des ‘experts’ comme ils disent. On ne sent pas experts mais on les comprend. Nous aurions bien aimé que quelqu’un nous guide au début et lorsque nous avons rencontré Benoît (Cyclonomade) en Allemagne après un mois de voyage, nous avons énormément appris et progressé. La route commence par 20 km de montée. Rien de terrible mais Laura a une petite crise d’hypoglycémie. Les croissants c’est bon mais ça ne nourrit pas aussi bien que des flocons d’avoine. Un Tang au citron, quelques fruits secs et ça repart ! Nous croisons un couple français, ils ont trois semaines et montent au nord, ils comptent faire 1300 km, ouh là là. Dans notre rétroviseur, un point rose et un point bleu nous rattrapent à toute allure. Le point rose, c’est Maxi. Il a acheté ce maillot rose fluo pour être vu sur la route et aussi, il avoue, pour faire hurler Vanina !! Le point bleu, c’est un de ses copains cyclistes. Nous montons depuis une heure et demie comme de vieux éléphants poussifs et eux l’ont fait en 17 minutes ! A vide, avec des vélos ultra-légers… Ils nous lâchent, on les retrouvera plus tard, la route devient du ripio au bout de 60 km, ils n’iront pas dessus avec leurs pneus lisses. Nous pique-niquons juste avant le col et plantons un de nos drapeaux pour avertir Maxi. Il déboule avec son collègue juste comme nous redémarrons. En sueur mais l’œil brillant, ‘On a fait 80 km !’ s’écrient-ils en chœur. Mettez deux garçons côte à côte sur des vélos, c’est sûr qu’ils vont faire les fous… Nous les saluons, nous reverrons Maxi dans deux jours quand il descendra récupérer les vélos qu’il a loué à Laura et Uli. 60 km après San Martin, le goudron se termine, en avant pour les graviers. La route est en relativement bon état et nous faisons un petit détour pour aller voir le Lago Hermoso (‘Beau lac’ en espagnol). Ce lac nous rappelle les lacs de Nouvelle-Zélande, un miroir bleu entouré de montagnes vertes. Nous campons près du Lago Falkner, un grand terrain d’herbe au bord du lac, c’est gratuit ! Quelques tentes sont déjà là et tiens, on dirait un drapeau français sur cette remorque Bob (la remorque que nous avions avant). Patrice et Céline sont deux Francs-Comtois, partis il y a deux mois de Buenos Aires en tandem. Ils voyagent un an et remontent à travers l’Amérique du Sud puis les Etats-Unis et le Canada. Nous sommes un peu surpris, ils remontent au nord, ce sera bientôt la saison des pluies en Bolivie et puis surtout, ils ne verront pas la Carretera Austral, LA route mythique à vélo. Nous passons une bonne soirée à six au bord du lac. Il n’y a pas besoin de grand-chose pour passer un bon moment : un beau paysage, une tente et un réchaud et surtout des gens sympas ! Ah, et des vélos bien sûr…
Le lendemain nous partons très tard, midi, plus on est nombreux, plus on bavarde évidemment. La route devient du ripio et passe au milieu de la forêt entre les lacs. Nous sommes à court de pain mais quelqu’un dans une hosteria nous vend une énorme miche de pain. Ben se rend compte qu’il a perdu une vis de pédale. Pendant qu’il cherche une remplaçante, Laura et Uli prennent un peu d’avance. Un nuage de poussière, un vrombissement, deux motards s’arrêtent à côté de nous : ‘Vous avez un problème, on peut vous aider ?’. Les motards nous font toujours un petit signe sympa quand ils nous croisent mais ils ne s’arrêtent jamais. Ceux-là, un couple allemand, sont très sympas, voyageurs au long cours et très cools : ‘On est à moto mais on ne fait pas de grandes distances, on s’arrête quand un endroit nous plait !’. Ils n’ont pas de vis pour nous mais nous passons un bon moment. Le must : ils ont une poche à eau sur leur moto et un porte-savon !! Nous campons au bord du Lago Espejo Chico (‘Petit miroir’) et ce soir, nous avons droit à une douche chaude. Il ne nous reste qu’une trentaine de km le lendemain pour rejoindre Villa La Angostura. Nous n’avons pas prévu assez de nourriture et nous retrouvons à nous partager deux boites de sardines entre nous quatre ! La route comporte quelques bonnes montées mais avec le beau temps, ça se fait facilement. Nous rencontrons un couple de cycliste norvégiens très sympas, la cinquantaine, ils ont déjà fait plusieurs voyages à vélo. Ils viennent de traverser la Bolivie et nous passons une bonne demi-heure sur le bord de la route à étudier la carte et tracer l’itinéraire qu’ils nous recommandent. Les conseils vont jusqu’à ‘la brasserie, ici, après le tournant’ et l’hospedaje tenue par un couple français, au milieu de nulle part. Nous arrivons à Villa La Angostura en fin d’après-midi, juste comme le ciel commence à se couvrir. Nous trouvons une cabana très sympa, toute en bois. Quelques heures plus tard, Maxi nous rejoint avec une surprise… Patrice et Céline ont décidé de changer de route, ils nous accompagnent au sud ! Nous sommes ravis d’avoir de la compagnie ! Nous les aidons a décharger leur tandem et leurs bagages, Maxi reprend les vélos de Laura et Uli et malheureusement il doit déjà repartir. Nous cuisinons un barbecue géant devant le bungalow ainsi que quelques tartes et salades et passons une super soirée. Laura et Uli repartent le lendemain, les pauvres n’ont que trois semaines de vacances, autant dire que c’est mois reposant qu’un voyage de deux ans !!! Nous espérons bien les revoir, sont-ils suffisamment mordus du vélo pour peut-être nous rejoindre un jour ?
Après un jour de repos, nous repartons pour le Chili. Le temps se rafraichit d’autant que nous passons un col, la frontière Argentine-Chili. Sur la route, nous rencontrons Susan et Martjin, un couple hollandais. Ils font le mythique Alaska – Ushuaia et sont partis à peu près en même temps que nous, avril 2008. Ils continuent en Argentine mais nous les reverrons peut-être sur la Carretera Austral. Nous le savions déjà, le tandem est le vélo le plus rapide. Comme en plus Patrice et Céline sont moins chargés que nous, nous sommes rapidement largués. A la douane argentine, un douanier nous explique en français les meilleurs coins à visiter en Patagonie, vivent les carabineros ! Après le poste frontière, la route commence par une longue montée dans la forêt, nous sortons les vestes et remettons nos jambes de pantalon. Passé le col, une longue descente nous amène au poste chilien avec de belles vues sur les volcans enneigés. A la douane, ils sont sympas : ‘Pas de fruits après le poste mais vous pouvez les manger ici’. On avait oublié que les fruits secs entraient dans la catégorie fruits… Au camping, 15 km plus loin, nous faisons la moue devant les prix. Le gérant réagit plutôt bien : ‘Si vous voulez, vous pouvez camper dans le jardin de ma maison, j’habite ici, ça ne me dérange pas, c’est à 8 km d’ici’. Nous trouvons l’idée un peu bizarre, il nous envoie camper chez lui plutôt que de nous faire payer ici ? Une fois trouvée la ‘petite maison orange au bord de la rivière’, on comprend un peu mieux. Ça ressemble à une cabane de pêcheurs pour le week-end, une petite maison au bord d’un torrent, malheureusement visible de la route et ce qu’il a qualifié de jardin ressemble plutôt à une décharge. Pour finir, nous aplatissons les hautes herbes derrière la maison et plantons nos tentes à l’abri des regards.
Le lendemain, nous longeons la rive sud du lac Puyehue. La route monte et descend, il fait beau, de temps en temps nous passons une petite maison en bois, du linge propre claque au vent, dans le soleil. Sylvie réussit enfin à battre Ben. Derrière son vélo, elle profite de l’aspiration et monte à 68 km/h. ‘Je n’ai fait que 62, moi !’. Ah c’est dur quand on a l’habitude d’être premier! Nous reremplissons nos sacoches à Entre Lagos un village situé entre deux lacs comme son nom l´indique. Nous pique-niquons dans le parc au soleil. Si seulement nous avions su ce qui nous attendait plus au sud, nous aurions probablement plus profité du soleil... Nous terminons la journée sur du ripio pour rejoindre le Lago Rupanco. De belles maisons bordent la route et Ben a un éclair de génie: ´Si on leur demandait où on peut camper, ils nous inviteraient peut-être?´. Ce n´est pas l´Asie Centrale ici. Les deux garçons reviennent un peu déçus: ´Ils nous ont indiqué un camping gratuit un peu plus loin´. Le dit camping s´avère être un endroit au bord de la rivière, un peu parking, un peu gazon, un peu décharge où les pêcheurs se retrouvent. Une famille reste jusqu´à la nuit tombée et repart avec une cargaison de saumons... Une semaine d´approvisionnement! Un Chilien de notre âge s´intéresse à nos vélos. Il est ingénieur agronome et sa petite fille est en classe au lycée français d´Osorno. En partant, il nous donne un saumon. En vertu de son héritage marin, c´est Sylvie qui doit s´y coller pour le vider. D´ailleurs Ben ne se risque jamais à faire un noeud: ´Sylvie, tu attacher ça? Tu sais mieux faire, toi´. Du moment que c´est Ben qui se barbouille les mains de graisse quand elle déraille... Le saumon est délicieux, cuit à la poêle avec un peu d´huile d´olive sur notre réchaud à pétrole.
Nous nous levons sous un ciel nuageux qui se découvre rapidement. Une vingtaine de km de route caillouteuse nous amène à une route goudronnée et au Lago Llanquihue, le dernier et un des plus grands de la région des lacs. Les sommets enneigés des volcans sont malheureusement dans les nuages. Ben qui d´habitude perd patience quand Sylvie prend des photos fait exception pour ses chers volcans: ´Attendons un peu, regarde, on dirait que le nuage a bougé!´. Nous déjeunons à côté d´un abri-bus, tous les champs sont clôturés. A moins de demander à un fermier, on aurait du mal à faire du camping sauvage. Au village de Las Cascadas, sur la rive est du lac, nous retrouvons le ripio et un camping sympa. Nous profitons du soleil pour sortir toutes nos affaires, on se croirait sur un marché aux puces. Le soleil sèche et désodorise, très pratique pour les sacs de couchage (pour les chaussettes de Ben, ça ne suffit pas!). Ce soir, c´est douche froide. Heureusement que nous sommes seuls, les hurlements de Ben résonnent dans tout le camping. Un cycliste suisse arrive un peu plus tard dans la soirée. Son amie est rentrée en Suisse il y a deux jours. Ça ne doit pas être facile de se retrouver tout seul à vélo.
Nous avons à peine roulé 10 km sur une route en terre vallonnée que Patrice remarque qu´il a perdu son cadenas: ‘Tant pis, j’ai la flemme, on en retrouvera un autre!’. ‘Quoi, tu plaisantes, ça vaut super cher, allez, on laisse les filles ici avec les bagages et on va le chercher!’ s’écrie Ben. Les filles demandent aux garçons de ne pas faire de folies, la veille ils sont revenus échevelés après avoir été en tandem chercher des bières au village. Une heure plus tard, ils sont de retour en sueur avec le cadenas, l’oeil brillant: ‘On a fait 52 km/h sur le plat et on a laissé un pick-up sur place, il n’a pas pu nous rattraper!’. Maintenant Ben rêve d´un tandem... Mais Sylvie est un peu inquiète, aucune envie de faire 50 km/h!! Nous déjeunons d’un completo-frites à Ensenada, un hot-dog agrémenté de purée d´avocat, tomates et moutarde puis nous montons à Petrohue. Le temps se gâte vraiment et plutôt que de camper au bord du superbe Lago de Todos los Santos avec le volcan Osorno dans le fond, nous redescendons le soir même. Nous effectuons le trajet du lendemain sous une pluie battante. Si nous n’étions pas trempés et aveuglés par la pluie, nous apprécierions la route : ciel gris et bas, vagues qui roulent sur le lac, arbres qui s’inclinent dans la brise. Nos vestes ont vieilli et ne sont plus du tout étanches. Nous arrivons frigorifiés à Puerto Varas, la deuxième cabana que nous visitons est la bonne. La brave dame qui nous héberge est très gentille, elle ne fait aucune remarque quand, en nous apportant du bois, elle trouve quatre cyclistes violets et grelottants en t-shirt et sous-vêtements autour du poêle! Evidemment, l’après-midi le ciel se dégage, il ne nous reste plus qu’à mettre nos vêtements au soleil. Si on avait su, on aurait dormi jusqu’à midi!
Nous passons huit jours à Puerto Varas, à attendre que le mauvais temps passe… Sans succès. Nous occupons bien nos journées. Patrice et Céline réorganisent leur matériel : sacs de couchage plus légers, grande casserole, pantalons de pluie… Nous investissons dans des vestes de pluie pour travailleurs de la route. 3 euros et en plus c’est garanti de nous garder au sec !
Notre ordinateur profite de notre arrêt prolongé pour nous lâcher. C´est un vrai jeu de piste pour trouver un réparateur. Puerto Montt, la ville à côté est parait-il la ville qui se développe le plus rapidement au Chili mais il y a encore du travail. Pas de magasin de vélo, petit magasin de camping… Nous trouvons quand même quelqu’un qui nous le répare juste au moment de Noel. Pour Noel, nous craquons pour du saumon, c’est facile, c’est la région ici ! Saumon fumé en entrée, saumon frais en papillotes et glace dulce de leche et banane en dessert. Nous retournons à Petrohue le lendemain de notre arrivée et admirons les chutes et les volcans sous un ciel bleu sans nuage… si seulement c’était tous les jours comme ça !
Nous trainons tellement que nous revoyons Céline et Félicien, le couple suisse que nous avions rencontré au Musée de l’Inca à Cusco. Ils sont accompagnés de Susanna et Yannick, des amis qui les ont rejoints pour un mois. Nous passons une super soirée de nouvel an à huit autour d’un énorme repas et devant un feu d’artifice qui dure une demi-heure !