Tout juste sorti de son marathon de 24h d'écriture non-stop à la Foire du livre de Bruxelles, Nicolas Ancion nous raconte l'aventure, à chaud. Très chaud, le Nico...
ActuaLitté : Alors, cette Très petite surface, on va en publier une version en France ou en Belgique ?
Nicolas Ancion : Pour la publication, depuis le début, je ne me suis engagé qu'à faire aboutir un manuscrit. Je ne suis pas éditeur, ce n'est donc pas à moi de transformer ce texte en livre. Une version téléchargeable me semble très bien convenir au projet, dans un premier temps.
Pour que ce machin devienne un livre, il faudra qu'un éditeur s'y plonge et ait envie de lui donner une seconde vie. Ça pourrait se faire rapidement, si ce texte est inclus, par exemple, dans mon prochain recueil de nouvelles, que je dois assembler dans les semaines qui viennent. Ensuite, seulement, je pourrai savoir si l'éditeur est français ou belge. Plus probablement français, d'après les discussions qui sont en cours.
ActuaLitté : Donc pas de mise en vente de la version numérique, enrichie des ratures et gribouillages ?
Nicolas Ancion : Je ne souhaite vraiment pas que la version numérique soit vendue, j'ai écrit ce texte dans l'espoir qu'il puisse être lu par le plus grand nombre de lecteurs, en Belgique particulièrement, c'est pour cela qu'il est ancré dans l'actualité brûlante : la violente restructuration du groupe Carrefour en Belgique).
Pour ce qui est des ratures et gribouillages, ils ont été visibles en direct pendant les 24h sur le site www.lesoir.be, puisque j'ai rédigé tout le texte sur un document Google qui était accessible à tous en ligne en temps réel (avec un rafraîchissement du fichier toutes les 30 secondes, je pense).
[NdlR : si quelqu'un a l'adresse où l'on peut consulter ce grand brouillon...]
ActuaLitté : Phidippidès, le messager grec qui apporta la nouvelle de la victoire à Marathon, serait mort juste après son arrivée. Dans quel état tu te sens ?
Nicolas Ancion : Je ne savais pas, quand j'ai lancé l'idée, que j'allais me retrouver avec de nombreux lecteurs qui suivaient la rédaction en temps réel et en continu, via Internet. Je pensais que j'écrirais en vase clos puis que le texte, achevé, serait diffusé ensuite. Cette expérience m'a emballé, elle permet de vraiment partager l'acte d'écriture, d'établir une transparence totale entre ce que le lecteur voit et ce que je vois moi-même.
Un fossé énorme existe cependant entre le lecteur et l'auteur : moi, je pense déjà à ce qui va venir ensuite quand j'écris une phrase, alors que le lecteur la découvre mot à mot.
Le plan de l'oeuvre, rédigé dans l'avion...
ActuaLitté : Alors, tu recommences ? Quand ? Avec des drogues dures :-p ?
Nicolas Ancion : Je recommencerais volontiers (bon, pas au Salon de Paris, je ne figure pas parmi les 30 x 3 ou les 180 demi-auteurs conviés ;-) mais après les échos reçus du bout du monde, j'irais volontiers faire d'autres épisodes en direct à Montréal ou ailleurs.
Question drogue, je pense que c'est important de le préciser dans ce monde gangrené par les dopages de toutes sortes : j'ai bu de l'eau, du jus de fruit et moins de dix cafés en 24. Aucun dopant, même si j'étais totalement euphorique, je pense, vers la fin, si j'en crois les images que j'ai vues en télé. Le corps est une source inépuisable de dopants naturels qui sont très efficaces. Au total, j'ai passé 40 heures d'affilée sans dormir.
[NdlR : on n'a pas demandé si t'avais pris des anabolisants pour chevaux de course, Nico, on le sait. On veut juste savoir si tu prendras des trucs plus fort la prochaine fois...]
ActuaLitté : Quelle est la motivation avant de se lancer ? La recherche du happening littéraire ? Celle du temps à perdre ? Entreprise de séduction massive ?
Nicolas Ancion : Ce projet de m'enfermer pour écrire remonte à plus de dix ans, quand je publiais déjà, mais que je manquais cruellement de temps disponible pour écrire. Je rêvais de m'enfermer dans un gîte au milieu de rien, avec d'autres écrivains volontaires, et de ne sortir de là qu'une fois un roman achevé. Je pensais qu'en une semaine, c'était vraiment faisable.
Il faut dire que je m'intéresse depuis longtemps aux performances en art contemporain et que je trouve qu'on ne donne jamais à voir le côté écriture de la littérature. Si on suit les émissions littéraires, on se dit que pour être auteur à succès, il faut avant tout être bavard et imbu de soi-même, car ce sont les seuls aspects de la personnalité des auteurs qu'on peut voir en télé. L'écriture, c'est tout autre chose que ça. Et comme j'ai la chance d'écrire confortablement n'importe où, j'avais envie de le faire dans un Salon du Livre, pour remettre un peu l'écriture au milieu du village.
Étonnamment, alors que l'écriture est absolument inintéressante à filmer (rien ne ressemble plus à un écrivain qui rédige sur PC portable que n'importe qui occupé à chatter ou à surfer sur le web), les caméras sont venues suivre mon marathon. J'ai été le premier surpris de l'ampleur que ça a pris.