Aujourd’hui, des mobilisations s’amplifient dans toute l’Europe face à la marchandisation du savoir. Un sommet alternatif sera organisé à Bruxelles à l’occasion du conseil européen des 25 et 26 mars qui fera le bilan de la stratégie de Lisbonne, et alors que les Etats vont célébrer à Vienne, les 11 et 12 mars, les dix ans du processus de Bologne, des réseaux étudiants et universitaires dans différents pays européens agissent, préparent un contre-sommet militant, et appellent ensemble à une grève européenne.
Ces mouvements sociaux percent l’épaisse couche de consensus qui prévaut dans les institutions : sous prétexte d' « harmoniser » les systèmes d’enseignement supérieur, le processus de Bologne prépare leur mise en concurrence et privatisation rampante. Il s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne, dite pour « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », et qui a guidé les politiques européennes depuis dix ans. Celle-ci prévoit entre autres choses l’édification d’un marché européen de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les récentes réformes mise en œuvre au niveau national dans les différents pays européens.
Au nom de la « compétitivité », ces réformes obligent les Universités à recourir à des financements privés et à augmenter les droits de scolarité. Elles creusent les inégalités en contraignant de plus en plus d’étudiants à un endettement massif qui décourage les plus démuniEs de la poursuite des études. Le service public est sacrifié à la rentabilité : sur le « marché du savoir », les étudiantEs sont sélectionnéEs en fonction de leurs ressources. Avec la mise en place de méthodes de gestion managériales, la précarisation des personnels, l’accroissement du pouvoir des entreprises, le savoir tend à être mis entièrement au service des intérêts économiques, au détriment de ses fonctions sociétales, et les filières jugées « peu rentables » sont le plus souvent promises à la disparition…
L'éducation est l’une des plaques tournantes du système, sa transformation traduit et détermine des rapports de forces nouveaux dans la société, qui pèsent sur les droits sociaux des (futurs) travailleurs/chômeurs.
C’est en effet tout un modèle social que la stratégie de Lisbonne entreprend plus largement de déconstruire, en poursuivant un objectif général de déréglementation et dérégulation. Ce n’est pas seulement le monde de la connaissance qui est attaqué mais aussi celui du travail, flexibilisé et précarisé, les grands services publics, tels que l’énergie ou les transports, qui sont soumis à la concurrence, désorganisés et privatisés, les systèmes de solidarités et de redistribution grignotés par le dumping social et fiscal, l'environnement ravagé par les logiques productivistes d'une pseudo « croissance économique durable » ...
Par la nécessaire « adaptation à la mondialisation », on justifie ainsi toutes les régressions sociales et catastrophes écologiques, alors même que c’est la Commission européenne de concert avec les gouvernements qui a développé le libre-échange comme moyen de faire peser une contrainte sur les choix publics. L’objectif de ces politiques est d’augmenter toujours plus les profits et revenus des classes dominantes, et d’asseoir leur pouvoir à la fois économiquement et culturellement. Quand la Commission européenne ambitionne de « diffuser dès les petites classes l’esprit d’entreprise », ce n’est pas seulement le savoir, mais aussi la pensée et la société entière au service d’une minorité détenant le pouvoir économique.
Les résistances et mobilisations doivent converger, ici et en Europe, contre toutes ces attaques, contre la précarité, le chômage, la casse des solidarités et des services publics, le pillage de l’environnement, la marchandisation du savoir...
Nous devons mettre en réseau et solidariser les luttes en Europe, initier un nouveau processus militant, amorcer les premiers contours d'un contre-système éducatif qui irait de pair avec une nouvelle définition des priorité économiques et sociales.
Aussi appelons-nous à participer au contre-sommet de Vienne et nous inscrivons-nous pleinement dans l’appel aujourd’hui lancé à la grève européenne. Solidaires des actions menées dans ce cadre dans toute l’Europe, nous appelons à faire grève sur nos universités lors de la journée d'action du 12 mars pour faire de celle-ci un temps fort de la mobilisation européenne. Nous appelons aussi à deux semaines d’actions locales du 11 au 26 mars, faisant la jonction entre le contre-sommet de Vienne et le Sommet alternatif de Bruxelles, entre les luttes contre la marchandisation du savoir et les enjeux plus larges de la stratégie de Lisbonne qui au nom de la compétitivité détruit les droits sociaux. Il faut nous réapproprier l’espace public, par le débat et l’action militante, dans les amphis et les cafés, dans la rue et le métro, pour montrer et faire entendre qu’une autre Europe existe, une Europe résistante et en mouvement…
Signataires : Attac Campus, Fédération Sud Etudiant, Fac Verte, Front de lutte pour l’éducation, Jeunes Alternatifs, Jeunes de l’Union démocratique bretonne, Jeunes Laïcs et Solidaires, Jeunes Verts, NPA Jeunes, SUD Education, SUD Recherche, SUD Lycéen Manche, Collectif des collectifs.
Avec les soutiens de : AC ! (Agir ensemble contre le chômage), ATTAC France, Alternatifs, FASE (Fédération pour une alternative sociale et écologique), Fondation Copernic, Marches Européennes contre le chômage, la précarité et les exclusions, Stop Précarité
Réseau Europe - http://reseau-europe.eu/ - [email protected]