L’opéra romantique Nelligan par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal
Vingt ans après sa création par l’Opéra de Montréal, l’atelier lyrique de la compagnie montréalaise présente – en collaboration avec l’École nationale de théâtre du Canada- une nouvelle production de l’opéra romantique Nelligan d’André Gagnon et Michel Tremblay. Marc Hervieux, qui incarnera le Nelligan âgé, et les chanteurs de l’Atelier lyrique seront accompagnés par deux pianos et un violoncelle qui interpréteront la musique d’André Gagnon dans des arrangements d’Anthony Rozankovic. Je serai au Monument national le samedi 6 mars pour la première et quatre autres représentations de Nelligan seront données les 8, 10, 11 et 13 mars 2010.
De Nelligan et de « fatalité » : un entretien avec le compositeur André Gagnon
Vingt ans après la création de Nelligan et à la veille de la création d’une version lyrique de son opéra, le compositeur André Gagnon a généreusement accepté de répondre à mes questions à l’occasion d’un entretien qui a eu lieu le jeudi 4 mars dernier. Sur l’œuvre créée au Grand Théâtre de Québec le 24 février 1990 et joué également à Montréal et à Ottawa jusqu’au 31 mars, André Gagnon me rappelle qu’elle a été reprise en version concert par l’Orchestre symphonique de Montréal dirigé par Jacques Lacombe les 18 et 19 février 2005 et qu’elle se voit ainsi donner – avec la production de l’Atelier lyrique de Montréal- une troisième vie. Pour cette troisième vie de Nelligan, ce sont des chanteurs de formation lyrique qui incarneront les personnages de Michel Tremblay et pour André Gagnon, ce choix est appelé à donner une nouvelle dimension à la musique qu’il a composée sur le livret de notre grand dramaturge national dont il me rappelle qu’il est un amoureux et connaisseur d’art lyrique.
Si la musique est la même et qu’André Gagnon me dit avoir collaboré de façon étroite avec l’arrangeur musical Anthony Rozankovic, il dit être heureux d’avoir pu obtenir du directeur artistique de l’Opéra de Montréal, Michel Beaulac, que l’accompagnement des interprètes de la nouvelle production puisse se faire par deux pianos et un violoncelle. C’est par le violoncelle que le thème de la « fatalité », que porte en lui le poète Nelligan, sera d’ailleurs introduit et présenté comme leitmotiv de l’opéra, à la façon de Georges Bizet qui, dans son opéra Carmen marque, par le sombre Andante moderato du prélude repris à d’autres moments décisifs de l’œuvre, le destin funeste de la bohémienne.
Sur Nelligan et la fatalité, j’ai trouvé une allocution prononcée par le regretté Pierre Vadeboncoeur du dévoilement par la Fondation Émile Nelligan du buste d’Émile Nelligan au carré Saint-Louis :
« La vie de Nelligan, à peine commencée, est tombée dans la fatalité. Nous savons ce que c’est que la fatalité. Elle a pesé sur les grands épisodes de notre histoire, depuis et y compris la Conquête. De même et parallèlement, dans la première moitié du XXe siècle, un sort néfaste atteignit, et tôt dans leur vie, d’admirables figures : après Nelligan, un Saint-Denys Garneau, ou le compositeur André Mathieu, jusqu’à son enfance, pour ne nommer qu’eux. Gaston Miron dut à sa force d’échapper à un destin semblable, et de même aussi d’autres poètes et quelques grands artistes. Mais, il est vrai, ils appartenaient à la seconde moitié du siècle et cela fut leur salut. »
Ayant participé à l’ensemble des répétions et été associé au travail du metteur en scène Normand Chouinard, André Gagnon croit aussi dans la théâtralité de l’art lyrique et est d’avis que le jeune Nelligan, Dominique Côté, « ce chanteur par accident », et que « le ténor du travail Marc Hervieux, qui incarnera le vieux Nelligan, s’acquitteront fort bien des exigences dramatiques de rôles qui ont été conçus par le compositeur et le librettiste. Il devrait en être de même selon lui pour les des chanteurs et chanteuses de l’atelier lyrique qui participeront à la production, les sopranos Caroline Bleau, Suzanne Rigden, la mezzo-soprano Catehrine Daniel, le ténor Aaron Ferguson et les baryton-basse Stephen Hegedus et Roy Del Valle.
L’aventure d’André Gagnon, qui a été – selon la dédicace de Michel Tremblay dans le livret publié aux éditions Léméac- « exaltante » et dont le compositeur est « l’instigateur et l’âme », prend donc ce soir un nouvel élan. Pourrait-elle avoir une suite sous la forme d’un deuxième oeuvre lyrique ? André Gagnon ne ferme pas la porte et pourrait vouloir à nouveau offrir aux mélomanes du Québec et du monde une nouvelle œuvre lyrique. Il me dit avoir beaucoup d’idées et qu’il envisagerait de travailler à nouveau avec le librettiste « lyricomane » qu’est Michel Tremblay.
Pour bien se préparer à la nouvelle production et être en mesure de comparer la version lyrique – que je vous pourrez entendre au Monument national d’ici le 13 mars- aux versions antérieures de Nelligan, je vous suggère d’écouter les deux disques qui ont assuré une pérennité aux productions de 1990 (Audiogram/Star ACSD 1700) et 2005 (Disques SRC, SMCD 5237-2). Vous pourrez également entendre Marc Hervieux interpréter un extrait de l’air final de l’opéra, composé sur le texte du poème Le vaisseau d’or, dans l’enregistrement du dernier Gala de l’Opéra de Montréal paru chez Atma classique en cliquant ici (Disque 1, plage 14).
Et pour vous préparer de façon totale, pour l’art total, je vous suggère de lire le livret d’opéra de Michel Tremblay publié dans la collection « Théâtre » (no 181) des Éditions Léméac en 1990.
Et pour vous donner le goût de vivre aussi l’aventure Nelligan, voici deux photographies de la nouvelle production prises au Monument national lors de la répétition générale du jeudi 4 mars :
Marc Hervieux
Le jeune Nelligan
Photographe : Guy Beaupré, 7 jours Dominique Côté
Le jeune Nelligan
Photographe : Guy Beaupré, 7 jours
Les vingt ans de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal vus par Chantal Lambert
Au moment où Nelligan est créé par l’Opéra de Montréal en 1990 et comme le révèle le Prélude à l’Opéra de Montréal (Vol. 2 No 4, février 1990, p. 44), Chantal Lambert est stagiaire à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal dont la création remonte à 1984. En cette même année et en raison du départ de sa fondatrice et première directrice Yvonne Goudreau, la jeune diplômée de l’atelier se voit immédiatement confier par directeur général et artistique de l’Opéra de Montréal Bernard Uzan la responsabilité de coordonnatrice de l’Atelier et en devient la directrice trois ans plus tard en 1993.
Si l’Opéra de Montréal commémore cette année son 30e anniversaire, l’Atelier lyrique célèbre quant à lui son 25e anniversaire et Chantal Lambert fête ses 20 ans de service à l’atelier. Pendant cette période, l’atelier a formé plus de 150 jeunes artistes, principalement des chanteurs et des chanteuses, mais a également des régisseurs, metteurs en scène, pianistes et chefs de chant. La directrice n’est pas peu fière de ses diplômées qui se produisent aujourd’hui sur les scènes nationale et internationale, qu’il s’agisse de Marc Hervieux et Marie-Josée Lord, mais aussi d’Antonio Figueora, Marianne Fiset ou Manon Feubel. Selon elle, l’Atelier lyrique de l’Opéra est d’ailleurs devenu l’un des piliers de l’Opéra de Montréal et lui fournit des interprètes de qualité pour ses distributions. En produisant lui-même depuis six ans un opéra, l’Atelier donne aussi à ses membres l’occasion de tenir des rôles d’importance dans des œuvres aussi intéressantes que diversifiées du répertoire, allant de l’opéra baroque Didon et Énée d’Henry Purcell à Nelligan d’André Gagnon et Michel Tremblay. La collaboration avec l’École nationale de théâtre pour ces productions annuelles réjouit Chantal Lambert qui est d’avis que la formation des membres de l’atelier est considérablement enrichie par un tel partenariat.
Et pour celle qui a incarné le plus grand nombre de rôles durant les 30 saisons de l’Opéra de Montréal et qui se transformera en religieuse dans Nelligan ce soir, l’Atelier lyrique est promis à un bel avenir…un bel avenir dans lequel elle continuera assurément à jouer le rôle principal!
Chantal Lambert
Directrice de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréalomme
J’écouterai cet après-midi, comme certains et certaines d’entre vous, Attila de Giuseppe Verdi à L’Opéra de samedi. L’Orchestre et les choeurs du Metropolitan Opera seront sous la direction Riccardo Muti et Mario Paquet, qui remplace Sylvia L’Écuyer aujourd’hui, aura un entretien avec Keri-Lynn Wilson, chef et spécialiste de Verdi. Celle-ci dirigera la production de Simon Boccanegra dans la prochaine production de l’Opéra de Montréal dont la première est prévue le samedi 13 mars prochain. On peut lire un intéressant profil de Keri-Lynn Wilsondans le dernier numéro de La Scena musicale sur le site du magazine québécois en cliquant ici.
Bonne semaine lyrique!