Les élections régionales approchent. Les sondages restent mauvais. Nicolas Sarkozy met les bouchées doubles pour soutenir « ses » listes UMP. Cette semaine fut hyper-active pour le président français. Il fallait faire oublier son absence remarquée au Salon de l'Agriculture. Toute la semaine, on n'a pourtant pensé qu'à ça.
Sarkozy aimait les zones inondables
Lundi, Nicolas Sarkozy s'est précipité dans l'Ouest de la France. Malgré les alertes préalables, la tempête Xynthia a ravagé les côtes et tué 53 personnes. «Une catastrophe nationale» a commenté François Fillon, dimanche soir. L'émotion est énorme. Le président français voulait éviter le syndrome Katrina, du nom de ce cyclone qui, en août 2005, a dévasté la Floride. George Bush avait perdu des semaines avant de se rendre sur place. Dans l'après midi de dimanche, quand le nombre de morts fut annoncé à plus de 40, Nicolas Sarkozy a compris qu'il devait se rendre sur le terrain, caméras embarquées et quelques millions d'euros de promesses dans la poche. On pouvait le voir, dès lundi midi, survolant les zones dévastées comme George W. Bush en son temps au-dessus de la Floride, le visage sombre et sérieux. Il promet alors un «plan digues», un décret sur la catastrophe nationale dès mardi, une table ronde avec les ostréiculteurs, et 3 millions d'euros d'aide d'urgence. Les assureurs évaluent les dommages à 1,2 milliards d'euros. Sur place, Sarkozy s'emporte contre les éléments et les défauts de sécurité: «On ne peut pas transiger avec la sécurité». Vraiment ? On s'interroge en effet sur la politique d'aménagement du littoral, les constructions de logements modestes sur des zones mal protégées, le faible renforcement des digues. Avant cette catastrophe, Sarkozy tenait des propos très différents. Il fallait déréglementer, assouplir, libérer. Pendant la campagne électorale de 2007, Sarkozy promettait d'assouplir la loi Littoral. Une fois élu, il a fustigé la réglementation trop contraignante pour la construction. Pire, en avril 2009, il demandait de »rendre constructible les zones inondables pour des bâtiments adaptés à l’environnement et au risque».
Comme souvent, comme toujours, il faut une catastrophe et ses victimes pour que Nicolas Sarkozy change de discours. Pendant une journée au moins, on a oublié son absence au Salon de l'Agriculture.
Sarkozy n'aime pas les autorités indépendantes
Nicolas Sarkozy n'aime pas les contre-pouvoirs. Il l'a même explicitement rappelé au Conseil Constitutionnel lundi dernier: «Autant la séparation des pouvoirs est indispensable à toute démocratie, autant la notion de contre-pouvoir est étrangère à notre conception de l'Etat et de la République». Tout au plus supporte-t-il les autorités indépendantes quand elles sont dociles. Prenez l'exemple des OGM. Sarkozy ne s'est jamais pressé pour les condamner. Il y a trop d'argent, trop d'emplois. Son Fond Stratégique d'Investissement vient d'ailleurs d'attribuer une belle dotation de 150 millions d'euros au semencier Vilmorin. L'Agence Européenne de Sécurité des Aliments, soutenue par la Commission européenne, a autorisé une patate génétiquement modifiée, un modèle vieux de 12 ans. La coordinatrice du groupe OGM de cette agence vient d'être recrutée par l'un des plus gros semenciers du monde. En France, le gouvernement n'a rien d'autre à dire qu'il attend les conclusions du Haut Conseil des biotechnologies (HCB), un collège d'experts créé en 2008. D'autres pays, comme l'Autriche et l'Italie, n'ont pas attendu l'interdire. L'autorisation de cet OGM est douteuse. Les seules analyses transmises à l'autorité européenne étaient réalisées par le fabricant BASF lui-même.
Quand il s'agit du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) ou de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), l'indépendance est difficilement supportée par le Monarque. Le CSA a été dépossédé de son pouvoir de nomination des présidents de l'audiovisuel public. Louis Schweitzer rend son mandat de président de la Halde le 8 mars. L'Elysée aimerait y placer le socialiste Malek Boutih, trop ambitieux pour résister, mais trop hésitant pour se décider. Le Monarque souhaite surtout placer la Halde sous tutelle, en la rattachant au futur « défenseur des droits », créé par la réforme constitutionnelle de juillet 2008. La nomination de Malek Boutih permettrait de faire médiatiquement avaler la pilule. Depuis des mois, la Halde subit des attaques coordonnées par l'Elysée. Quand Sarkozy était sur TF1 le 25 janvier dernier, il a violemment taclé Louis Schweitzer, ancien président de Renault, qui aurait accéléré la délocalisation de sa production à l'étranger. Au moment de l'examen de la loi de finances, des députés UMP ont tenté de réduire le budget de la Halde. On appelle cela de la déstabilisation. La Halde a agacé Sarkozy, en promouvant le CV anonyme, ou en soutenant les plaintes d'assurés sociaux contre la subordination des allocations familiales à la régularisation de leurs titres de séjour.
On se souvient aussi de l’annonce, il y a un an déjà, par Nicolas Sarkozy de la suppression du juge d’instruction, puis le rapport de la Commission Léger quelques mois plus tard. L’indépendance des enquêtes judiciaires meurt lentement, très lentement. La Garde des Sceaux fait elle de la résistance ? Michèle Alliot-Marie a décidé de reporter l’examen du projet de loi sur la réforme de l’instruction au premier semestre 2011. Elle préfère que le Parlement examine d’abord la garde de vue, dont les excès ne cessent de créer des polémiques. C'est tout à son honneur. Concernant l’instruction, la Garde des Sceaux a démarré une nouvelle « concertation ». Dans son projet, le parquet ne sera pas plus indépendant qu'actuellement, mais il aura en plus tout contrôle sur la conduite des enquêtes: « Les magistrats du ministère public sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux ». C’est là tout le problème, maintes fois répétés par les opposants à la réforme, syndicats de magistrats et d’avocat en tête. Pour répondre (imparfaitement) aux critiques, Michèle Alliot-marie a proposé de créer un « devoir d’obéissance » à la vérité pour les procureurs, qui, selon ce principe, ne devraient « pas exécuter des instructions individuelles qui seraient contraires à l'exigence de recherche de la manifestation de la vérité et de conduite des investigations à charge et à décharge. » Quelle garantie !
Sarkozy fait campagne
Nicolas Sarkozy ne fait pas campagne. Ce n'est pas son rôle, avait-il expliqué le 25 janvier dernier sur TF1. Nicolas Sarkozy fait campagne, mais ne l'avoue pas. Mardi dernier, il a reçu Valérie Pécresse et son équipe de campagne. Nathalie Kosciuscko-Morizet, qui était présente, ne s'en cache même pas : cette rencontre «était en fait un point de campagne sur le fond». Luc Chatel a loué la « transparence » de son patron. Transparence ? L'hypocrisie n'a-t-elle pas de bornes en Sarkofrance ? Quelques heures plus tard, on apprend que le fichier STIC d'Ali Soumaré, le candidat socialiste du Val d'Oise accusé d'être multi-récidiviste par l'UMP d'Ile-de-France il y a 15 jours, a été consulté une quarantaine de fois.
Mardi, le Monarque s'est aussi rendu dans l'Aisne, en Picardie, une région que la droite espère arracher à la gauche. Il voulait parler de la réforme de la Fonction Publique. Dans la rue, il exhibe Carla Bruni à quelques badauds enchantés. Puis il enchaîne avec une table ronde, et quelques mots doux: « on ne parle pas bien des fonctionnaires. On ne respecte pas assez vos compétences. On ignore les difficultés qui sont les vôtres». L'assistance est docile. L'Elysée l'a sélectionnée sur dossier, et même les questions posées avaient été préparées à l'avance. Jeudi, Sarkozy file en région PACA parler de l'industrie. Ses efforts paraissent vains. Les sondages restent mauvais, comme ce dernier d'entre eux publié jeudi. Le rapport droite/gauche reste très favorable à l'opposition sur fond d'abstention record.
Mardi soir, Nicolas Sarkozy n'a pu éviter les photos de son dîner de gala avec le président russe, en visite à Paris pour trois jours. La chanteuse Mylène Farmer s'est cassée un orteil en trébuchant sur le tapis rouge. Et Carla Bruni s'est affichée en robe de soirée sans soutien-gorge. Dimitri Medvedev est un bel allié. La France va lui vendre un porte-avion.
Là n'est pas l'important. On attend la visite de Nicolas au Salon de l'Agriculture.
Sarkozy industrialise ses annonces
Jeudi, le Monarque parlait industrie. Depuis mai 2007, la politique industrielle s'est résumée à un « plan de relance » (prime à la casse), un « fonds stratégique d’investissement » pour se substituer imparfaitement aux institutions financières dont le crédit faisait défaut ; et des convocations de patrons à chaque annonce médiatisée de fermetures d’usines. Cette fois-ci, Sarkozy clôturait les Etats Généraux de l’Industrie (EGI), en visitant une usine d’Eurocopter à Marignane dans les Bouches du Rhônes. A 10 jour des régionales. Il a énoncé des objectifs invérifiables : augmenter de 25% la production industrielle d’ici 2015, pérenniser l’emploi industriel « sur le long terme », retrouver « une balance commerciale industrielle (hors énergie) durablement positive d’ici à 2015 », et gagner « plus de 2% » de part française dans la production industrielle de l’Europe. Pourquoi pas plus ? Quels sont les moyens pour atteindre ces sommets ? Sarkozy a ensuite noyé l'assistance sous une avalanche d'annonces-gadgets et de propositions colbertistes. Désormais, Sarkozy industrialise ses effets d'annonces: 22 mesures, synthétisant les« 1000 propositions d’actions en faveur de l’industrie » des 11 groupes de travail thématiques et des 22 ateliers régionaux. On trouve de tout : 500 millions d'euros de prêts bonifiés «verts» (gérés par OSEO), 300 millions d'euros pour la «structuration des filières» industrielles; 200 autres millions en «primes à la relocalisation» des entreprises en France (qu'en pensera l'Europe ?); la création d'une « conférence de l’industrie », d'une « semaine de l’industrie », d'un « ambassadeur pour l’industrie », de « comités stratégiques filières », d'un « médiateur de la sous-traitance »; la nomination d'administrateurs de l'Etat dans les entreprises publiques qui soient « passionnés par l’industrie ». La seule idée qui vaille est le lancement en septembre d'une sorte de Livret A pour l'industrie, un « produit d’épargne » défiscalisé pour favoriser les placements financiers vers l’industrie française.
Dès vendredi, la quasi-totalité de ces annonces étaient oubliées. On attendait la visite de Nicolas au Salon de l'Agriculture.
Le chômage n'a jamais baissé
Doc Gyneco est au chômage... Le « chanteur » icône des soutiens (ratés) de Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle, s'est inscrit à pôle emploi, dans les Hauts de Seine. La France compte 10% de chômeurs, un niveau jamais atteint depuis 10 ans. N'en déplaise aux promesses du Monarque de janvier dernier, la dégradation de l'emploi n'a jamais été aussi forte. Le ministère du travail publie chaque mois des statistiques tronquées du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à pôle emploi. Le 26 février dernier, Laurent Wauquiez a tenté d'expliquer que le nombre de radiations administratives est en baisse (ce qui est faux, il est stable à un peu plus de 40 000 par mois environ). Il a surtout omis de commenter la très forte augmentation depuis un an des « cessations d'inscriptions » (plus de 200 000 par mois !). Cette fois-ci, l'INSEE a livré ses estimations du non-emploi, plus complètes, plus terribles : la France compte bien 4,7 millions de chômeurs. Un million d'entre eux vont perdre leur allocation chômage cette année. Vendredi, Laurent Wauquiez a reçu pendant trois heures les partenaires sociaux sur le sujet. Cette réunion «technique» n'a servi qu'à minorer le nombre des précaires à secourir. Il y a 8 jours, il avait promis «plusieurs centaines de millions d'euros». En fait, l'Etat va «travailler» et «expertiser la situation» de 360 000 personnes seulement.
Vendredi, Nicolas Sarkozy reçoit des banquiers. Les représentants de la profession ont promis de réserver 96 milliards d'euros de financement aux PME : 38 milliards déjà promis en février pour les crédits à moyen et long terme, et 56 nouveaux milliards pour les crédits de trésorerie à court terme. Les sommes paraissent incroyables... pour qui ne lit pas les Echos. Le quotidien économique rappelle en effet que cela représente une hausse de leurs crédits de ... 3%. Eh oui. Pas plus.
Là n'est pas l'important. On attend la visite de Nicolas au Salon de l'Agriculture.
Sarkozy a la trouille agricole
Il avait la trouille d’aller au Salon de l’Agriculture. Notre président, d’habitude si bravache, avait séché l’inauguration du Salon samedi dernier, préférant sa retraite dorée au Cap Nègre. Lui qui a pris le parti d'incarner sa rupture dans le nombre de déplacements, en France ou à l'étranger, il s'est caché, terré, débiné. Ses rapports avec le monde agricole sont difficiles et les agriculteurs ont terriblement souffert de la crise l'an passé. Bruno Le Maire a dû compenser l’absence de son maître. Il s’est rendu deux fois cette semaine, sans son patron. Mercredi, Nicolas Sarkozy a reçu des représentants de la filière agricole à l’Elysée. Il leur a promis d'être attentif à leur cas, et qu’il viendrait samedi, pour tenir une table ronde, protégée, bouclée et castée, « sur la situation de l’agriculture française avec les représentants des filières agricoles et agro-alimentaires françaises. ». Depuis des mois, les conseillers du Monarque cherchent un moyen de faire venir leur patron, « à l’improviste », comme à Gandrange en novembre, afin d’éviter les couacs et les manifestations hostiles. Entre-temps, la quasi-totalité des ténors politiques est venue narguer Sarkozy en se rendant sur place sans problème : Martine Aubry, Dominique de Villepin, Jacques Chirac, et même François Fillon n'ont pas lésiné sur le bain de foule.
Samedi, Nicolas Sarkozy est bien venu au Salon de l'Agriculture, mais avant son ouverture au public. Même le Figaro s'est demandé si le président n'était pas tombé du lit. Il a arpenté les allées vides de public, puis est allé se cacher dans une cabine, loin des foules, pour sa « table ronde » avec une trentaine de représentants du secteur. La rencontre est diffusée sur La Chaîne Parlementaire. On y voit le Monarque attentif, sérieux, écoutant les questions d'une assistance encore une fois triée sur le volet. Où sont les représentants de la Confédération Paysanne ? Sarkozy promet quand même. Qu'avait-il dans sa besace ? Une augmentation de 800 millions d'euros les prêts bonifiés en faveur des agriculteurs en difficultés. Il faut s'acheter la paix sociale. Sur l'environnement et l'agriculture, «ça commence à bien faire». Il veut que les normes environnementales françaises ne soient pas plus dures contre l'agriculture intensive qu'ailleurs en Europe. Les écologistes apprécieront. «Le maître mot, c'est le pragmatisme».
Samedi, le pragmatisme du chef de l'Etat exigeait donc qu'il se cache.
Ami sarkozyste, où es-tu ?