Respect passif

Publié le 05 mars 2010 par Malesherbes

Lundi 1° mars, à La Rochelle, le Président Sarkozy s'est écrié : " Il faut qu'on s'interroge pour savoir comment en France, au XXIe siècle, des familles peuvent être surprises dans leur sommeil, mourir noyées dans leur maison. [...]. On ne peut pas transiger avec la sécurité. De mon point de vue, la sécurité est prioritaire. "

Bien que la Seine soit très différente de l'Océan, on ne peut s'empêcher de rapprocher cette vertueuse indignation d'un discours prononcé le 29 avril 2009, lors de l'inauguration de l'exposition sur le Grand Paris, par le même chef d'Etat. Il déclarait alors : " Quel est le problème ? C'est la réglementation. Il faut libérer l'offre. Pour le coup, il faut déréglementer. [...]. Il faut rendre constructible les zones inondables, mais par des bâtiments adaptés à l'environnement et au risque. [...]. Allez, pour être plus clair, parce que j'ai conscience de ne pas l'être assez, il faut changer notre façon de concevoir les choses, sortir du respect passif d'une réglementation de plus en plus pesante ". A propos de cette contradiction, je vous suggère de vous reporter ici.

A l'époque, je n'avais pas remarqué ces propos. Les examinant maintenant, je les trouve consternants. L'entame résume à elle seule la pensée (enfin, si pareille éructation mérite le nom de pensée) du grand conducator : " Quel est le problème ? C'est la réglementation ". C'est-à-dire, tout va tellement mieux dans une société qui ne s'encombre ni de lois, ni de codes, ni de décrets, ni de règles. Tout va tellement mieux dans un monde soumis à la seule loi du plus fort, où les puissants peuvent impunément écraser les faibles, comme dans la finance par exemple, ou comme au bon vieux temps de la barbarie. Un peu de nuance eut été admissible, en s'élevant par exemple contre les excès de la règlementation mais non, la loi, voilà la source de tous nos maux, voilà l'ennemie !

Certes, comme jamais notre guide n'oserait s'en prendre à la loi, il ne scie pas la branche qui le soutient, il avance par des chemins détournés. Il n'attaque pas la loi, par essence noble et protectrice. Il préfère vilipender la réglementation, par définition, lourde, complexe, alambiquée, imbriquée, tatillonne, n'hésitons plus, inutile. Et il la condamne ainsi : " de plus en plus pesante ".

Pour couronner le tout, il a cette injonction étonnante : " il faut sortir du respect passif ". Ici, je demande votre aide. Qu'est-ce donc que le respect passif, expression qui sous-entend, par antithèse, qu'il y ait un respect actif ? Evidemment, passif, c'est mal, c'est très mal. L'important, c'est d'être actif, de vibrionner, de dire blanc un jour, noir le lendemain, et surtout de s'agiter en tous sens sans jamais rien accomplir. Mais, pour ceux qui comme moi ne fréquentent, ni les hauteurs éthérées, ni les grands de la terre, les choses sont simples, claires et nettes, il n'est point diverses façons de se comporter face à une règle : on la respecte, ou on la viole. Je m'aventure à risquer une comparaison qui choquera peut-être certains, c'est comme pour une femme : elle ne peut pas être un peu vierge, ou un peu enceinte, elle l'est ou ne l'est pas.

Mais pour qui excelle à emprunter des chemins tortueux, à s'avancer " ad augusta, per angusta " (aux cimes, par les défilés), de tels dérapages verbaux sont consubstantiels, naturels. Mais quant à les pardonner ...