de Yann Queffélec
Roman - 108 pages
Editions Bartillat - janvier 2003
L'écriture de Yann Queffélec, résolumment contemporaine, cinglante, ironique, donne une force incroyable à ce court roman. En à peine cent pages clairsemées, l'auteur nous immerge dans cette famille, nous fait comprendre les personnalités de chacun autour de ce père en crise et nous précipite vers l'inattendu. Cette retraite rurale sera vécue différemment des prévisions. Chapeau M. Queffélec !La jeune Zoé a un père présentateur de télé. Oui mais un jour, la vie parisienne le fait flirter avec la dépression, il n'en peut plus et décide d'enmener toute le petite famille à la campagne, "au vert" comme on dirait "au paradis", avec la ferme intention d'y vivre bien loin du quotidien moderne, pollué de la capitale, mais aussi loin du confort. Zoé et son grand frère Ben sont assez réticents, quoique Zoé attende de voir et approuve silencieusement ce père qu'elle veut aider. Une nouvelle vie commence, creusant le fossé entre ce père aux idées radicales et la réalité de ce Vert cruel...
"Nous habitions Paris, trou puant, Ben. Des corps humains gisaient sur les trottoirs, morts ou vifs. Nous ressentions pour eux la même sympathie que pour des excréments canins. Nous nous changions en prédateurs. Je m'explique : nous avons atteint notre seuil critique en tant que bons citoyens, et plutôt que d'entrer en divergance nous partons, nous allons au vert, nous naturaliser. Outre les yeux, contemple cet océan végétal à perte de vue, respire un peu cet Eden. De l'herbe et du vent.
- C'est la clime qu'on respire. Et personnellement j'aime mieux fumer l'herbe que la brouter, on est d'ailleurs quelques uns...
- ...à saigner nos parents, à leur vider les poches, à les désespérer. Et vous en crevez, les gars, vous donnez la becquée aux milliardaires, vous allaitez goulûment les aigrefins de la haute finance et en retour ils vous font la loi, la morale, ils vous accusent de saboter leur petit business mondialisé. La moitié du temps vous la passez chez le psy, l'autre moitié dans les commissariats. A quinze ans c'est cuit, emballé, il n'y a plus qu'à vendre vos corps bousillés aux fast-foods pour qu'ils en fassent du bio, du big-mac labelisé pur boeuf de plein air, deux pour le prix d'un, traçabilité garantie, je continue ?"