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Camelia Jordana, et moi, et moi et moi... (showcase Loft Plat Du Jour : review + photos)
Publié le 06 mars 2010 par MysoulblogLa première fois que j'ai croisé Camélia Jordana, c'était un 10 mars, il y a exactement un an. Elle m'est apparue comme par enchantement sur mon écran de télévision, et, durant 2 minutes environ, le temps s'est suspendu. Un ange est passé. Au sens propre, comme au figuré. Du haut de ses 16 ans, une lolycéenne vierge de toute expérience musicale venait de transcender un classique d'une autre ère, d'un autre siècle, d'un temps que les moins de vingt ans ne sont pas sensés connaitre. D'où viens-tu Camélia ? "Euh... j'habite dans le Var". De quoi t'es-tu nourrie étant petite ? "de couscous". Échange surréaliste, échange poétique, entre un chercheur d'or (André Manoukian) et une alchimiste, petite fée, magicienne ou princesse. Héroïne contemporaine d'une épopée cathodique qui l'ignorait peut être alors, mais venait d'écrire les premières pages de sa légende en cette soirée d'hiver 2009.
"I see trees of green, red roses too, I see 'em bloom, for me and for you, and I think to myself... what a wonderful world..."
A bien y réfléchir, en revoyant ce premier casting de Camélia Jordana dans Nouvelle Star avec la distance de cette année écoulée, on a l'impression que la convocation pour l'épreuve du théâtre à Paris tendue par Philippe Manoeuvre à la jeune chanteuse, ainsi que le "Bienvenue à bord !" que le critique Rock lui lance alors qu'elle s'apprête à quitter la pièce, tiennent lieu d'intronisation à la grande famille de la chanson française. Merci mademoiselle, et bravo, tu viens de gagner ta place parmi nous.
Gagner sa place, même en perdant à un télé-crochet, voici le très plaisant épilogue de l'histoire. Tout est bien qui finit bien. La deuxième fois que j'ai croisé Camélia Jordana, c'était très exactement au lendemain de son éviction de Nouvelle Star. Un bref moment échangé au siège de la rédaction du magazine pour lequel je travaillais, juste avant son entrevue. Je lui ai confié ma frustration, et je fus scotchée par son aplomb, sa sérénité, sa désinvolture. "Mais ce n'est pas grave, ce n'est qu'un jeu..." m'avait-elle simplement glissé ce jour là. Étonnant petit bout de femme qui a quelque chose comme la moitié de mon âge ou presque, et affiche un discernement inouï en dépit du tourbillon médiatique dans lequel elle est plongée depuis des semaines. C'est désormais évident, Camélia Jordana ira loin.
La troisième fois que j'ai croisé Camélia Jordana, changement de cadre, changement d'ambiance. Nous voici fin 2009, la demoiselle a officiellement signé durant l'été un contrat avec la major Sony Music, et sa carrière est désormais entre les mains de la société de management Nineteen. Dans quelques mois, le premier album de la chanteuse sera dans les bacs, et les blogueurs sont conviés à en écouter, en exclusivité totale, quelques extraits. L'ambiance est austère, l'équipe qui gère l'image de l'ancienne princesse de Baltard semble vouloir rompre le lien qui unit leur protégée à l'émission musicale d'M6. Ce soir là, Camélia Jordana se présentera à nous sans ses célèbres lunettes Ray-Ban Wayfarer. Un petit rien qui en dit pourtant long, puisque ce geste symbolique sera théâtralisé dans une vidéo teaser envoyée sur le web à la même période. Mais avec ou sans lunettes, ce qui subsiste de l'icône cathodique Camélia Jordana, c'est, évidemment, cette voix unique. Ce timbre qui avait mis K.O. André Manoukian, avant la France entière sur le "Quelqu'un m'a dit" de Carla "Première Dame" Bruni. Camélia Jordana alias "Calamity Jane"... et le mythe perdure.
La quatrième fois que j'ai croisé Camélia Jordana, c'était pas plus tard qu'avant hier soir.
Cette fois, les choses se précisent entre nous. A son arrivée au Loft Plat Du Jour, cadre classieux dans lequel la jazzy folkeuse adolescente donnera un court récital dans quelques minutes, CJ me claque la bise. Comme ça, spontanément, parce que je me trouve là, pas loin, sur son chemin. A priori, ce lancement de l'album organisé par son label pour les médias ressemble à l'une de ces soirées parisiennes branchées dans lesquelles je me sens généralement très mal à l'aise. A posteriori, rarement, voire jamais, m'a-t-il était donné de découvrir un album dans un contexte aussi privilégié. Peu avant le set, on m'apprend qu'une écoute de l'opus se déroule dans le petit studio d'enregistrement situé au rez-de-chaussée. Les convives journalistes préférant visiblement boire et manger, je me retrouve donc seule à savourer ce disque sur lequel je fantasme depuis des mois. Chacun ses plaisirs.
Un studio, rien que pour moi...
Camélia Jordana n'a que 17 ans, elle n'écrit ni ne compose, et a toute une vie d'artiste devant elle pour s'affirmer, pour confirmer. Mais ce premier essai met déjà très habilement en perspective ce que ce petit bout de femme est susceptible d'apporter à la chanson française. Son vibrato élégant renvoie déjà dans les cordes la blondeur fragile d'une Cœur De Pirate, sur le dépouillé "Diva" ou sur le déchirant "Lettera", confession épistolaire de son expérience médiatique, sur laquelle l'interprète révèle tout son potentiel tragico-mélancolique.
Sur le charmant "Little Monster", exercice de style très lilyallenien, interprété dans la langue de Shakespeare et écrit et composé par ses soins, Camélia Jordana s'inscrit dans une vague neo-folk exaltante, et marche dans les sillons tracés ces dernières années par ses contemporains Cocoon, The Dø, Moriarty et autres Emily Loizeau.
Sur l'envoûtant et so chic "Manhattan", malgré des arrangements très nouvelle scène, on ne peut s'empêcher de songer au mythique titre éponyme immortalisé par la grande Ella Fitzgerald, et on se plait à rêver à la rencontre annoncée entre Camélia et André Manoukian, sur le prochain album de ce dernier ("So In Love", à paraître le 5 avril).
Pour le reste, on trouve pèle-mêle sur ce premier opus un mélange de légèreté et de gravité, de classicisme et de modernité, un zeste d'innocence yéyé à la France Gall, à l'image du premier single "Non, Non, Non". Camélia Jordana, aidée par des auteurs compositeurs visiblement très inspirés, a ainsi construit un pont entre les générations. Ici, la grâce vaporeuse d'une Françoise Hardy, là, la solennité d'une Barbara, et, au milieu de ces piliers de la chanson française, une bonne dose d'ingénuité pop/folk totalement dans l'air du temps, à l'image d'une Zee Avi, d'une Kate Nash ou, encore une fois, d'une Cœur De Pirate.
Avec son guitariste, Seb Martel...
Camélia Jordana est rare et précieuse. Une interprète comme l'on en rencontre à peu près une fois par décennie. Gageons qu'elle marquera de son empreinte vocale si particulière celle qui vient de débuter. Morale de ce conte de fée moderne, la princesse de Baltard a, in fine, coupé le cordon en douceur avec le programme qui l'a révélée. Depuis quelques semaines, la charmante demoiselle a rechaussé ses lunettes. Devant un impressionnant parterre de journalistes, venus en nombre ce jeudi soir, Camélia n'a pas tremblé. Accompagnée du guitariste Seb Martel (-M-, Camille) et d'un simple tambourin en guise d'accessoire, sa voix a une nouvelle fois bouleversé, captivé, enchanté.
Ce soir là, au Loft Plat Du Jour, les applaudissements fournis de l'assistance, suivis d'un rappel, valaient tous les bleus azur que la chanteuse aurait pu récolter à une autre époque, un autre temps, un temps que les moins de vingt ans connaissent forcément par cœur. Un an s'est donc écoulé. Le 29 mars, le premier album de Camélia Jordana fera son arrivée dans les rayons des disquaires. Bienvenue à bord, mademoiselle !
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