[SHAW BROTHERS (MALAY FILM PRODUCTIONS) & CATHAY KERIS]
Que garderons-nous du vieux cinéma malais, un patrimoine cinématographique définit en 15 longs-métrages durant ce cycle ? Deux studios en furent les investigateurs les plus emblématiques.
Malheureusement, à part ces exceptions, ce cinéma se caractérise par un esprit conservateur, conventionnel souvent caricatural et ne jouissant aucunement d’inventivité. Et les quelques scènes audacieuses dispatchées ici et là ne parviendront pas à sauver des films qui souffrent de faux rythmes, de lacunes scénaristiques lorsque ce n’est pas d’un aspect moraliste. Les Voisins du village (1965) de Hussain Haniff, en est un bel exemple, l’audace du viol incarné par un religieux et voisin de sa victime, une jeune femme en âge d’être sa fille ne sauvera pas un métrage qu’on pourrait qualifier de moyen. Restera alors un homme, l’incarnation de cette époque : P. Ramlee. L’homme aux multiples facettes à la fois chanteur, acteur et réalisateur. On peut comprendre aisément pourquoi, encore aujourd’hui, il est apprécié d’une bonne partie des siens. Ainsi donc, désormais les P. Ramlee, Maria Menado, les monstres folkloriques ou bien encore la Cathay Keris ne seront plus inconnus à nos yeux. Le grand regret c’est que ce cinéma n’aura pas éveillé l’excitation que laisse certaines vieilles œuvres de cinéma. L’excitation de la découverte qui s’est révélée dans un cinéma qui nous est plus « contemporain ».
[MALAISIE, UNE NOUVELLE VAGUE EN NUMERIQUE]
La nouvelle vague du cinéma Malaisien s’est montré persuasive et nous a montré un panorama riche et talentueux. Un constat réalisé à travers 20 films, du documentaire au film expérimental en passant par la fiction, ancrés dans une réalité Malaisienne.
Ce mouvement s’inscrit tout abord dans une veine auteurisante, avec des acteurs incontournables du cinéma Malaisien : James Lee, Amir Muhammad, Tan Chui Mui et Liew Seng Tat, réunis sous la société de production Da Huang Pictures. Un groupe de réalisateurs actifs, tentant de faire vivre leur activité par des moyens réduits. D’autres noms s’inscrivent dans cette nouvelle vague : Ho Yuhang, Eng Yow Khoo, Deepak Kumaran Menon, Azharr Rudin, Chris Chong Chan Fui, Woo Ming Jin. Des noms liés aussi avec ceux de la Da Huang Picture. Ces jeunes réalisateurs se réunissant régulièrement autour de projets communs. On ne s’étonnera alors pas de voir cette flopée de noms dans bons nombres de génériques de films Malaisiens.
Ces films ont aussi révélés des visages incontournables, des actrices talentueuses sous les traits de Sharifah Amani, Adibah Noor (les Yasmin Ahmad, 15MALAYSISA), Ida Nerina (Sepet, Gubra, 15MALAYSIA) et Mislina Mustapha (Flower in the Pocket, Karaoké)
[SINGAPOUR, EN DIX-SEPT FILMS]
On ne présente plus Eric Khoo dont quatre longs-métrages étaient projetés. Mee Pok Man (1995) et 12 Storeys (1997) ses premiers films dénotaient déjà d’un univers singulier et d’un style que l’auteur peaufinera dans le très beau Be with me (2006) et l’émouvant My Magic (2008). Au-delà d’Eric Khoo et de son talent qui n’est plus à prouver, au-delà de son rôle de porte drapeau d’un cinéma singapourien encore trop méconnu ou reconnu sur son seul nom, une sélection en tout et pour tout de 17 films.
Autre qu’Eric Khoo, des cinéastes interpelleront dans leur projet futur : Kelvin Tong, Roystan Tan, Djinn ou bien encore Ho Tzu Nyen avec l’énigmatique Here (2009). Pourtant la question se pose. Outre Ho Tzu Nyen ou Sherman Ong (avec ici deux films décevants) où se trouvait la force vive du jeune cinéma indépendant singapourien dans ce cycle ? Une jeune génération là-bas attend d’être découverte à son tour ici. Un jour peut-être. A bon entendeur. Resteront aussi trois acteurs pour leur charisme, leur gueule, ce petit quelque chose qui les rend si différents des autres et fascinants : Adrian Pang, Kay Tong Lim et Sunny Pang.
Dorénavant, c’est un œil vif qui se posera sur l’actualité cinématographique de Malaisie et de Singapour. Un œil alerte sur deux destinations qui rempliront un carnet de voyage bien singulier de la cinématographie mondiale.
Alors merci au centre Pompidou d’avoir eu l’audace de proposer un cycle original, au-delà des clivages entre le cinéma connu et celui de l’ombre, dont les distributeurs ne daignent s’intéresser.
Soyons francs, quelques points seraient néanmoins à soulever. Tout d’abord une communication peu transparente sur l’annulation des interventions de certains réalisateurs, que l’on a souvent appris à la dernière minute. Et de façon globale, une communication qui semblait timide face à l’envergure d’un tel évènement. Aussi, on regrettera des résumés erronés, loin de la réalité, malgré un livret bien conçu.
Pour finir et parce certaines figures du cycle Singapour, Malaisie nous ont particulièrement marquées, nous saluerons la souriante jeune femme aux lunettes noires du guichet « Cinéma », et Emilie Imbert, l’attachée de presse du cycle, qui a été d’une infime gentillesse et disponibilité.