La Poudrerie nationale d'Angoulême est l'une des quatre manufactures royales qui se sont implantées en Poitou-Charentes, à la faveur du développement de la force militaire française. J'ai eu l'occasion d'étudier ce site gigantesque au cours de mon stage au Musée du Papier d'Angoulême, bien que les informations le concernant soient extrêmement difficile d'accès. En effet, comme il s'agit d'un site autrefois dédié à la production de poudres et explosifs, ses archives sont ultra secrètes!
La poudrerie a été créée sur ordonnance royale en 1817 en remplacement de celle de Saint-Jean d’Angély, laquelle fut détruite par une explosion un an plus tôt. L'établissement, qui approvisionnait la flotte militaire de Rochefort par voie fluviale, fut installé à l'ouest de la commune d’Angoulême, à l’intérieur de la boucle formée par un méandre de la Charente. La force motrice du fleuve permettait initialement d’actionner 15 moulins à poudre. L’activité réellement "industrielle" débuta en 1826 et le site s’étendit progressivement pour atteindre 200 hectares en 1917. Entre 1827 et 1888, on y produisit de la poudre noire (pour la guerre, la chasse et la mine) puis à partir de 1888 du coton-poudre (nitrate de cellulose).
Pour l'anecdote, l'écrivain Honoré de Balzac effectua plusieurs séjours à la poudrerie entre 1831 et 1833, invité par la femme du Commandant Carraud, laquelle était son amie et sa confidente. Ces visites ont permis à Balzac de s’imprégner de la vie charentaise, lui permettant d’écrire plus tard ses "illusions perdues" et nous valent aujourd'hui une belle plaque commémorative sur l'un des bâtiments subsistants. La première guerre mondiale fit évidemment augmenter la production : pour se donner une idée de l'ampleur du site, entre 1914 et 1918, ce sont 14500 ouvriers et ouvrières, 250 ingénieurs et employés qui ont produit jusqu’à 870 tonnes d'explosifs par jour. En 1936, on construisit une unité supplémentaire pour fabriquer de la nitroglycérine, le constituant principal de la dynamite. L’occupation allemande de Juin 1940 entraîna la cessation des activités et les bombardements de mars 1944 occasionnèrent des destructions partielles sur le site. Après reconstruction, la production reprit pour répondre aux besoins des armées de l’OTAN et la poudrerie devint en 1975 la Société Nationale des Poudres et Explosifs (SNPE). Elle employait encore 150 personnes à Angoulême avant de fermer définitivement en 2004.
Aujourd'hui, le site fait l’objet d’un chantier de dépollution colossal et de nombreuses installations sont rasées. Les terrains ne devraient pas être "propres" avant 2020, comme annoncé dans cette vidéo :
Voici quelques images de ce qu'on peut observer depuis la rive droite de la Charente et en longeant le domaine interdit au public :
Encore un témoin de l'histoire industrielle amené à disparaître et qui tombera certainement dans l'oubli, au vu du patrimoine difficile à assumer que représente cet ancien lieu de production...
Sources :- Service Régional de l'Inventaire du Patrimoine de Poitou-Charentes - Dossier sur le Patrimoine industriel- Charente libre : SNPE, dépollution jusqu'en 2020