Ne lâche rien, François !

Publié le 05 mars 2010 par Lheretique

François Bayrou était l'invité de Michel Grossiord sur Europe 1, ce vendredi 5 mars. 
Pour les élections régionales, il a rappelé que "les électeurs sont là pour remettre les sondages à leur place" et se multiplient les gestes de soutien : "depuis quelques jours, c'est très étrange, le contrôleur du train, la jeune femme qui pousse un bébé dans une poussette dans la rue, des gens qui sont au travail, ils me disent tous la même chose, c'est en trois mots : ne lâchez rien".


Michel Grossiord : Le MoDem évitera-t-il la catastrophe aux élections régionales ?
François Bayrou : Pour tout vous dire, je ne sais pas de quoi vous parlez exactement. J’imagine que vous parlez des sondages. 
Et de votre campagne, vous êtes très présent sur le terrain.
Je vais vous dire, c’est très étrange. Depuis quelques jours – je vous racontais ça tout à l’heure avant qu’on entre – dans la rue, le contrôleur du train, la jeune femme qui pousse un bébé dans une poussette, des gens qui sont au travail me disent tous la même chose et c’est en trois mots : « ne lâchez rien ». 
C’est très étrange, parce que c’est un mot d’ordre que personne n’a lancé, qui vient comme ça, qui se récupère, les mêmes trois petits mots : « ne lâchez rien ». Ce qu’ils veulent dire, c’est que dans notre volonté d’indépendance, qui n’est pas souvent comprise par le monde politique qui voudrait qu’on soit affilié à l’un des deux blocs, ou à l’un des deux camps, et puis qu’on n’en bouge plus comme ça le monde est facile à lire. Dans cette volonté d’indépendance et de liberté, dans cette modeste résistance, il y a une petite partie de leur volonté d’indépendance et de leur volonté de résistance à eux. 
Pourquoi cela ne se traduit pas dans les sondages ?
Parce que les électeurs sont là pour remettre les sondages à leur place. Ce que les sondages mesurent – il y a très longtemps que le dis ça et même que le vis cela – et régulièrement il arrive que les résultats, dans un sens ou dans l’autre, ne soient pas ce que les sondages annonçaient. Dans les sondages on pose des questions qui ne ressemblent peut-être pas à celles que les électeurs se posent. 
Vous dites que les électeurs soutiennent votre démarche, mais on vous accuse d’être trop individualiste et vos prétendus amis en interne n’attendent plus pour aiguiser leurs arguments. Votre vice-présidente Corinne Lepage va participer lundi à Strasbourg à un meeting avec Daniel Cohn-Bendit pour soutenir le candidat des Verts, alors que vous avez votre candidat Modem dans la région.
Et il s’appelle Yann Wehrling, c’est quelqu’un de très bien, c’est l’ancien jeune premier responsable des mouvements écologistes en France. C’est dire qu’il y a des gestes qui ne sont pas loyaux. Mais je ne commenterai pas davantage ce point. 
Vous allez peut-être inciter Corinne Lepage dans les heures qui viennent à faire le bon choix ?
Je ne dirai pas un mot de plus. 
Si votre mauvais score se confirme, est-ce que vous pensez garder une chance pour 2012 ?
Monsieur Grossiord, excusez-moi, mais je ne sais pas de quel mauvais score vous parlez. De quel score parlez-vous ? 
De celui que les sondages annoncent. Les sondages annoncent 5 pour cent, tous les instituts.
Je ne crois pas aux sondages. Je pense au contraire que beaucoup de Français ont envie de manifester autre chose que ce qu’on leur indique. 
Je lis dans Paris Match que Franck Louvrier, le conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, dit à votre sujet : « on n’a pas besoin de s’occuper de lui pour qu’il disparaisse de l’échiquier politique, il le fait très bien tout seul. »
C’est en effet ce que l’UMP souhaite, c’est tout à fait clair et normal, et honnêtement à leur place je souhaiterais la même chose. 
Une atmosphère de défaite plane aussi sur l’UMP. Du coup Nicolas Sarkozy devrait s’impliquer davantage dans la campagne. On l’annonce en Franche-Comté dans quelques jours pour parler emploi, le Figaro Magazine devrait publier son interview la veille du premier tour. Est-ce que vous le croyez capable de mobiliser l’électorat de droite ?
Je ne répondrai pas à cette question mais je répondrai à une autre, qui est plus importante, si vous le voulez bien. J’ai une différence fondamentale sur ce point avec Nicolas Sarkozy et depuis longtemps. Je ne crois pas que le président de la République en France devrait être un chef de parti. Je pense exactement le contraire. Le président de la République en France devrait être au dessus des partis. Il ne devrait pas être l’interprète de son camp, de son mouvement politique ; il devrait être l’interprète de toutes les sensibilités démocratiques du pays. 
Vous lui demandez de ne plus sortir de l’Elysée jusqu’au premier tour et de ne pas donner d’interview ?
Je ne demande rien. Je vous dis que la conception qui est la mienne, et celle de beaucoup de Français, de la fonction présidentielle, c’est que le président soit une voix pour toutes les sensibilités, qu’il essaie de comprendre, d’entendre, la diversité des sensibilités françaises, ceux qui sont ses inconditionnels et les autres. Si le président n’est pas un rassembleur, c’est la fonction présidentielle qui souffre. 
Vous avez affirmé récemment que ce qui se passe en Grèce sur le plan financier pourrait arriver très rapidement en France. Est-ce que c’est responsable de dire cela ?
C’est même la seule responsabilité que de dire à l’avance : soyons plus prudents que nous ne le sommes, car il peut nous arriver des choses graves. Vous avez vu le plan qui est mis en place en Grèce ? 
Vous appelez à un plan similaire en France ?
Je vais vous dire les chiffres pour que vous compreniez bien. On parle de ça à la légère, naturellement. Lorsque j’ai fait une grande partie de ma campagne présidentielle en 2007 sur le déficit et sur la dette, le déficit était déjà astronomique : 38 milliards d’euros par an. Cette année, il sera de 150 milliards. On a multiplié en 3 ans le déficit par 350 pour cent. Est-ce que c’est responsable ? Je vous retourne la question que vous me posez. 
François Fillon, qui fait des meetings tous les soirs, parle des déficits et de la réforme de l’Etat. Est-ce que vous voulez qu’il aille plus loin ?
Ce n’est pas aller plus loin. Si nous continuons à déséquilibrer la France, nous sommes en train de plonger dans le désespoir et la précarité des millions de jeunes qui ne savent même pas qu’on prend ces décisions en leur nom. Votre boulot, Michel Grossiord, pardon de vous le dire, devrait être de le dire autant que moi. 
D’accord, on le dit, on le dit.
Non, ce n’est pas cela. C’est chose grave pour l’avenir du pays, et ces choses graves là ne peuvent être entendues des Français que si vous les attestez. 
Est-ce que vous voyez vous aussi François Fillon entrer dans le club des présidentiables, voir en meilleur candidat pour la droite ?
D’abord c’est quelqu’un qui n’est pas antipathique, disons-le. Ajoutons une chose : ce n’est plus de la politique, c’est « tournez manèges » ! Cette semaine c’est Fillon, la semaine dernière c’était Villepin, la semaine d’avant c’était Jean-François Copé… Disons que ces manèges là continueront à tourner, et que ce n’est pas très grave. Si Nicolas Sarkozy assume sa fonction, dans le camp du président il n’y a pas de place pour quelqu’un d’autre que le président. Si l’on veut se présenter contre le président, alors il faut avoir le courage de poser des actes de rupture. 
Daniel Cohn-Bendit est d’accord pour que les Verts participent à des primaires ouvertes à gauche, est-ce que vous pourriez y venir ?
Et bien non, parce que je n’appartiens pas à la gauche, je suis un homme du centre. Je pense qu’on a besoin en France d’une droite républicaine, d’une gauche responsable et d’un centre qui fasse son travail.