À force de chanter, le bel ange aux boucles bleu nuit a su m’accompagner à travers les saisons blondes et brunes, il m’a porté au sommeil en plein hiver, mélodies de pluie, symphonies de neige soufflées par les lames du vent issues de l’ombre, puis insensiblement les brumes et voiles du crépuscule se sont trouvés au bord du silence en un ensemble discret que le soleil naissant a regroupé pour faire surgir une figure neuve, accueillante et douce, visage ocre, mantille souple, la visiteuse.
Elle ne remplace pas l’ange – qui peut rivaliser avec lui en joie et en beauté ? – elle forme de l’ange heureux et impromptu la représentation large, terrestre et bienveillante. Elle a troqué le primesaut salvateur de mon double aérien pour une autre venue bien à nous, là où les feuilles de la saison dernière figurent son avance complexe parce que droite et peu causante. La voyant, j’éprouve un léger recul, sans doute à cause du froissement des voiles et de la marche régulière des pas qui saluent le sol plus qu’ils ne pèsent.
Elle s’est imposée sans que je le veuille – je l’ai déjà murmuré – et contrairement à l’ange fureteur elle se moque bien de mes textes, étant à elle seule la prose du monde tel qu’il va avec ses corvées, ses petites joies et son austère splendeur de mythe élégant ; elle est la veille, le jour et le lendemain, milieu du temps comme l’ange est milieu de l’espace et je la vois, immanence gracieuse, remettre constamment en place ses multiples dentelles hésitantes, elle qui justement est si sûre d’elle depuis qu’elle a surgi du fond des terres qui se couvrent un peu plus chaque jour du premier vert.