Jacques Marseille est mort hier, à 64 ans, d’une « longue maladie » comme il est désormais de mise de l’écrire à propos du cancer. Nos lecteurs s’associeront sans doute aux condoléances que « Restons Correct ! » adresse à sa famille, à ses proches, à ses amis.
Mais c’est aussi la Liberté - et notamment celle de penser - qui est en deuil car cette disparition est aussi celle d’une grande voix libérale, d’une plume aussi libre que féconde et iconoclaste.
Historien de formation, reçu premier à l'agrégation d'histoire en 1969, sa thèse de doctorat analysait brillamment les relations économiques entre la France et son empire colonial de 1880 à 1960. Il y démontrait que, contrairement à ce que prétendaient les marxistes, la colonisation avait plus freiné le développement économique de la France qu’elle ne l'avait favorisé.
Professeur à Paris I jusqu’à l’année dernière, il y a animé avec brio la chaire d’histoire économique et sociale, formant au passage des générations d’étudiants à autre chose qu’aux archaïsmes marxistes ou aux billevesées néo-keynésiennes ordinaires.
A l’instar de cet autre très grand universitaire que fut Raymond Aron, c’était aussi un chroniqueur de presse talentueux et un polémiste aguerri.
Ca lui a évidemment valu les foudres parfois haineuses des zélateurs de la pensée unique et des « intelligents » autoproclamés que sa verve, son sens de l’à propos, sa rigueur quantitative et sa vivacité intellectuelle laissaient généralement « KO debout ».
Ca lui a aussi valu le respect et l’admiration de tous les esprits libres, bien au-delà des cénacles de l’intelligentsia libérale.
Pour l’avoir croisé dans des réunions où il défendait le « moins d’Etat » et militait pour la création d’une allocation unique et universelle, nous le connaissions un peu.
Pas assez pour avoir partagé une (vraie) galette-saucisse fraternelle avec lui, suffisamment pour nous souvenir de son sourire, de son intelligence, de son immense culture historique et économique et de son formidable talent didactique.
Nous reste de lui une série d’essais remarquablement clairs et accessibles dont la guerre des deux France, celle qui avance et celle qui freine, n’est pas le moins jubilatoire ni le moins prémonitoire…