J'ai commencé à découper les mots dans les magazines et les journaux à l'adolescence, vers 12 ou 13 ans. J'attendais l'achat des journaux du week-end et je découpais. L'acte était compulsif, irréfléchi, mais je découpais et collais. Plus tard, étudiante, j'ai continué et j'ai commencé à remplir des "boîtes-à-mots" et à écrire des textes en "mots collés" et à essayer de comprendre le pourquoi de cette façon de faire. Je cris que j'avais honte de mon désir d'écrire, et que de procéder ainsi me permettait de me cacher derrière ces mots et de dire "ce n'est pas moi qui ai écrit…"
Aujourd'hui, j'assume mes boîtes et mon plaisir à découper des mots, et j'ai même une boîte de mots en allemand. D'ailleurs, en novembre dernier, ici à Berlin, j'ai découvert qu'un livre de Herta Müller, le prix Nobel de Littérature de cette année a écrit (au moins) un de ses livres ainsi. Ce livre n'est pas traduit en français, car il faudrait que le traducteur procède de la même manière… (Je pourrai le lui proposer peut-être…)
Je ne suis donc pas la seule… Il existe des personnes qui aiment tant les mots qu'ils les découpent pour se les approprier… Un mot, c'est aussi une forme, une épaisseur, la couleur des lettres, un mot se regarde autant qu'il se lit et pas seulement en chinois…