Santé : place à l'éducation thérapeutique du patient
Publié le 17 novembre 2007 par Christophe Laurent
L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et la Haute autorité de santé (HAS) ont publié le 13 novembre 2007 un guide méthodologique sur les programmes d'éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques. Ce guide méthodologique s'appuie sur l'analyse critique de la littérature disponible, sur la réflexion des professionnels impliqués dans l'éducation thérapeutique du patient et sur les résultats de réunions avec des patients atteints d'une maladie chronique. L'objectif est de proposer un cadre méthodologique aux professionnels de santé, aux organisations professionnelles et aux associations de patients pour favoriser le développement de l'éducation thérapeutique du patient et la mise en place de programmes structurés pour les patients qui ont une maladie chronique. Il s'agit de mieux connaître la maladie et de mieux se connaître, mais attention ce guide n'est pas assimilable au disease management. Cette précision semble d’importance puisqu’il s’agit d’une démarche dans laquelle une personne interfère dans la relation médecin/patient (notamment le laboratoire diffusant la molécule). Or, l'éducation thérapeutique pratiquée en France est censée se dérouler sans intermédiaire entre les professionnels de santé et les patients. C’est au mois d’Octobre 2006 que l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait suggéré d'expérimenter en France la démarche de "disease management", qui consiste notamment à améliorer la prise en charge des malades chroniques par eux-mêmes. En préambule, les inspecteurs de l'Igas Pierre-Louis Bras, Gilles Duhamel et Etienne Grass qui se sont intéressés aux objectifs, aux modalités et aux résultats obtenus par le disease management organisé aux Etats-Unis, en Allemagne et en Angleterre, rappellent que cette pratique qui s'est développée au milieu des années 90 aux Etats-Unis et qui constitue une nouvelle modalité de maîtrise des dépenses, se concentre essentiellement sur les personnes atteintes de maladies chroniques : diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire chronique, asthme et insuffisance coronarienne. Le fait d’écarter tout lien entre cette démarche de « disease management » dont l’objectif gestionnaire est clairement affiché a pour objectif de mieux sensibiliser tant les professionnels de santé que les patients eux-mêmes. Il ne s’agit pas de faire des économies en leur confiant la responsabilité de l’éducation thérapeutique alors que celle-ci souffre actuellement de l'hétérogénéité des pratiques en la matière. D’ailleurs, interrogé sur la place des laboratoires dans l'éducation du patient, Philippe Bas avait considéré que l'industrie a un rôle à jouer dans le conseil sur l'utilisation des médicaments, et sur leurs complications éventuelles, bien au-delà des notices. Sauf qu’en début d'année, un projet d'autorisation par voie législative de programmes d'observance assurés par les laboratoires avait provoqué la colère de plusieurs associations, amenant le gouvernement à faire marche arrière. C’est en avril 2007 que le ministre de la santé Philippe Bas lors de la présentation du plan d'amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques avait annoncé que ces patients seraient suivis par des coordinateurs de soins qui feraient le lien entre le patient et les différents spécialistes impliqués. Couvrant la période 2007-2001, ce plan, qui se décline en quatre axes et 15 mesures, est l'un des cinq prévus par la loi de santé publique du 9 août 2004. Ces coordinateurs, qui pourraient par exemple être des kinésithérapeutes, des infirmières ou des assistantes sociales, et recevront une formation d'un an. Alors qu'une première expérience a été lancée cette année, Philippe Bas a espéré qu'ils seront présents sur l'ensemble du territoire dès 2008. Le seul hic à cette mesure concerne la démographie des professionnels de santé. Il est connu, reconnu, voire notoire que la France manque de kinésithérapeutes (nombres d’établissements de santé les recrutent d’ailleurs à l’étranger et notamment en Belgique). Quant aux infirmières, il ne faudrait oublier que cette catégorie professionnelle subit actuellement de plein fouet le papyboom. D'autres dispositifs d'accompagnement sont prévus, dont des plates-formes téléphoniques mises en place par l'assurance maladie. La première d'entre elles, dédiée au diabète, propose des informations sur la maladie ainsi que sur l'offre de soins sur le territoire concerné. Alors que le patient a trop souvent été laissé de côté, voire infantilisé vis à vis de sa maladie, le plan prévoit de donner plus de place à l'éducation thérapeutique, qui n'a pas encore suffisamment trouvé sa place dans les pratiques médicales. C’est pourquoi la formation à l'éducation thérapeutique doit faire l'objet de formations continues auprès des médecins, mais également en formation initiale chez les étudiants en médecine. La finalité du guide est donc officiellement l'amélioration de la qualité de vie des personnes malades chroniques et rien d’autre. Qu’on se le dise … L’intérêt de la démarche d'éducation thérapeutique vise à améliorer les connaissances et les compétences des patients, à entretenir leur motivation pour qu'ils adoptent des comportements adaptés en termes d'observance des traitements ou de style de vie (diététique, activités sportives). Tout cela est un peu moralisateur mais pour les personnes atteintes de maladies chroniques cet aspect peut sembler secondaire sauf peut-être pour des problèmes de santé liés à des comportements sociaux comme c’est le cas souvent pour l’alcoolisme. L’éducation thérapeutique peut également faire usage de système d'alerte, à travers des dispositifs de surveillance à domicile. Le plus souvent, l'intervention se matérialise par des appels téléphoniques de professionnels de santé aux patients, qui effectuent lors du premier contact un bilan des risques, définissent les priorités et tentent par la suite d'améliorer les comportements des patients. L'INPES a recensé sur son site Internet la liste des formations, il a indiqué qu'une quinzaine de formation diplômantes existaient actuellement. (Exemple : Diplôme Universitaire « Chargé de projet en éducation pour la santé Nature ») Trois recommandations avaient été établies par la HAS pour faciliter l'appropriation du guide par les professionnels de santé, les associations de patients et les sociétés savantes. La première porte sur la définition, les finalités et l'organisation de l'éducation thérapeutique, la seconde explique comment la réaliser et la troisième précise les modalités d'élaboration d'un programme spécifique d'une maladie chronique. La Haute autorité de santé (HAS) a proposé de d'étoffer la formation initiale et continue des professionnels de santé en la matière, pour développer l'éducation thérapeutique du patient. Selon la HAS, le développement de l'éducation thérapeutique doit passer par une coordination de l'offre et une promotion de la démarche qualité et propose une coordination en trois niveaux. Au niveau national, une définition des orientations générales devrait reposer sur des structures existantes. Au niveau régional, il faudrait coordonner l'offre et le financement de l'éducation thérapeutique tout en disposant d'un centre d'information pour les patients et les professionnels de santé. Au niveau local, des structures et des acteurs prestataires garantiraient une offre de proximité. Pour développer l'éducation thérapeutique, il faut aussi l'inscrire dans la formation initiale et continue des professionnels de santé concernés et prévoir un financement harmonisé des actions d'éducation thérapeutique mises en oeuvre par des structures ou des professionnels inscrits dans une démarche qualité. La HAS souligne dans ce rapport que l'offre d'éducation thérapeutique est diversifiée mais peu coordonnée et que les programmes développés sont hétérogènes ce qui conduit au fait que seule une faible proportion de patients atteints de maladie chronique y a "effectivement accès. En ville, l'éducation thérapeutique s'est développée à partir des réseaux, des associations de patients et de l'industrie pharmaceutique, mais en réalité, elle relève principalement des réseaux de santé avec deux domaines principaux : le diabète et l'asthme, montre l'étude. Pour le diabète, le coût oscille entre 297 et 584 euros par an et par personne selon les patients et les programmes. Pour l'asthme et l'insuffisance respiratoire, il varie entre 190 euros et 280 euros. Par ailleurs, une étude est actuellement menée par l'Inpes sur les hôpitaux. Elle porte sur 330 établissements de santé qui ont bénéficié de financements dans le cadre des Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) pour des programmes d'éducation thérapeutique. Pour en savoir plus sur le disease management : (Améliorer la prise en charge des malades chroniques: les enseignements des expériences étrangères de "disease management", Igas)