Or, regardons les choses froidement : Sarkozy s’est plutôt calmé ces dernières semaines…. moins vindicatif, moins compulsif, et il n’a ni commis de grosses boulettes ni tenu de propos scandaleux. A l’évidence, il marche sur des œufs et multiplie les gestes en direction des Français les plus réticents à son endroit (dire, comme Martine Aubry, « Sarkozy méprise les agriculteurs », tout simplement par ce qu’il se rend au salon de l’agriculture en clôture et non en ouverture est absurde. Aucun homme politique, par définition, surtout s’il est populiste et bonapartiste, ne méprise les agriculteurs !). Alors pourquoi cette dégringolade dans l’opinion qui annonce sans doute une très, très sévère défaite aux régionales ?
Pour quatre raisons me semble-t-il.
1) Le décalage entre le discours sarkozyste, ultra volontariste, narcissique – « je dis, je veux, je décide, je promets » - et la réalité (ainsi l’annonce d’une baisse du chômage alors qu’il continue de progresser ou l’échec en matière de sécurité malgré une rhétorique ultra sécuritaire), ce divorce, donc, entre le « dire » et le « faire », entre les fanfaronnades au sommet et les perceptions à la base, entre les fanfares élyséennes et les fausses notes d’une vie quotidienne de plus en plus atonale, a fini par décrédibiliser presque totalement la communication présidentielle. Même quand Sarkozy dit vrai ou juste ça ne passe plus. On n’y croit pas.
2) Cette distorsion est aggravée par l’abus de mensonges par un homme, finalement cynique, qui ne pense nullement que le professionnalisme politique implique le parler vrai, qui pense même exactement le contraire. D’où sa phrase en Conseil des ministres : « faites moi du gros rouge qui tâche ». Hier, à la télévision, il annonçait qu’il ne s’engagerait pas personnellement dans les élections régionales, parce que « ce n’était pas le rôle d’un président de tous les Français ». En fonction de quoi, il a multiplié les déplacements pour soutenir les candidats UMP et, ce matin même, il reçoit à l’Elysée les têtes de liste en Ile de France pour les « recadrer », ce qui eut été inconcevable sous De Gaulle, Pompidou, Giscard ou Mitterrand. Résultat : sa « parole » s’en trouve de plus en plus dévaluée.
3) En étant omniprésent – chaque jour une intervention « forte », une initiative « forte », un discours « fort », une annonce « forte »- en saturant les médias, en se mettant en avant à propos de tout, en s’imposant sur toutes les photos, en se projetant sur tous les événements, y compris les faits divers, en faisant sauter tous les intermédiaires, Sarkozy a fini par polariser sur lui tous les sujets de mécontentement et à faire de sa personne obsédante, ici un objet de culte, mais là, surtout, un objet d’exécration, et même d’irrationnelle répulsion.
4) Durant la première année de sa présidence, Sarkozy a multiplié les « réformes », comme disent ses partisans, souvent contestables (du moins nous en approuvâmes quelques unes et en contestâmes beaucoup) mais qui correspondaient à ses promesses électorales. Il était donc démocratiquement légitime qu’il les mette en œuvre. Or, après la crise de septembre 2008, elles s’avérèrent inadéquates et dangereuses. Il aurait pu, et du, alors, non pas mais se renier, expliquer que des conditions radicalement nouvelles nécessitaient de remettre en cause certaines décisions qui, justes au départ (selon lui) risquaient de devenir calamiteuses à cause de la crise. Par pur amour propre il se l’est interdit. Il le paye aujourd’hui, et risque électoralement de la payer très cher.
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