Je suis sur une longue passerelle métallique. Celle-ci surplombe une immense falaise. Ça fait maintenant trois ans que j’escalade cette paroi escarpée. À ma cheville, un gros câble élastique est relié à je ne sais quoi. Ou peut-être pas.
Au bas de cette falaise, paraîtrait-il, se trouve un oasis magnifique. Enfin, c’est ce que les plus rêveurs racontent. Ah, j’ai déjà sauté en bas, juste pour voir. Mais je me suis accroché dans les roches sur le coté en tombant. Ça fait mal. Surtout quand on sait qu’on doit remonter après. Et ça, c’est pour ceux qui finissent par retrouver goût à l’escalade. La rémission peut être plus longue pour certain.
Je n’ai jamais vraiment vu ce qu’il y avait en bas. J’ai vu un petit peu d’eau, un peu de feuillage. Ça avait l’air beau. Mais c’était peut-être un mirage. C’était loin encore. Je pouvais prendre le lac entre mon pouce et mon index. Vous voyez comme c’était encore petit?
Sur ma passerelle, les gens sautent en se fermant les yeux, le sourire aux lèvres. Il y en a des plus hauts que moi. D’autres plus bas. D’autres qui attachent leur corde excités, d’autres qui la détachent et reprennent leur escalade. D’autres visiblement blessés, à peine guéris qui se lancent à nouveau. De vrais casse-cou. À chaque saut, ils se disent que c’est le bon.
Mais moi, j’hésite. Je n’ai pas nécessairement envie de rester dans le confort de ma passerelle toute ma vie, mais encore moins de sauter, là maintenant. J’ai peur. Du moins pour l’instant. Pour combien de temps?
Et si cette oasis n’était que de la frime?
Et si ma corde n’était pas attachée à une structure solide?
Et s’il ventait et que je me cognais durement dans les roches de la falaise?
Et si ma corde était trop longue? De l’eau c’est beau mais je ne veux pas me noyer non plus.
Et si je n’étais pas sur la bonne passerelle? Il y en a plein d’autres intéressante à voir, non?
La passerelle se remplit peu à peu. Les gens s’impatientent que je ne prenne pas une décision.
- Aweille! Saute ou continu à monter! Nous on veut sauter on n’a pas peur comme toi!
- Mais… mais…
Et je me réveille. Pourtant j’avais déjà les yeux ouverts. Je suis encore plus mêlé qu’avant. Bordel…
D.