Pire que la censure, l'autocensure : l'art dans le collimateur

L’art dans le collimateur de la censure ou plutôt de l’autocensure a de quoi inquiéter. Si la publicité médiatique de cette autocensure faite à l’artiste chinoise Ko Siu Lan depuis hier et aux écrivains Nathalie Legendre et Loïc Leborgne en novembre dernier ne leur a pas porté tort bien au contraire, combien en sont victimes en silence ?

Ko Siu Lan n’en est toujours pas revenue. Le catalogue était imprimé, le directeur de l’école des Beaux-arts de Paris connaissait l’œuvre et son contenu ou tout du moins aurait dû les connaître :

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Dans un communiqué, la direction de l'école considère que « cette présentation non concertée de l'œuvre, sans explicitation à l'attention du public, pouvait constituer une atteinte à la neutralité du service public et instrumentaliser l'établissement ». A l’heure de négocier le renouvellement de sa convention de financement avec les ministères, Le directeur de l’établissement a craint de froisser l’auteur des mots célèbres utilisés dans l’œuvre.

L’artiste se dit atterrée « Je trouve dur de découvrir que cette forme de censure brutale puisse se produire en France. Il n'y a même pas de place pour la discussion, tout se passe dans mon dos et celui de la commissaire. Encore plus dur que cela se produise dans la plus ancienne école d'art française, où l'on est supposé encourager l'expression la plus libre des artistes. Dur de croire encore que les enjeux économiques et politiques l'emportent sur toute autre préoccupation. Cela montre à mes yeux dans quel climat conservateur est tombée la France de Sarkozy, et à quel point celui-ci fait peur. Je demande que mon travail soit remis sur la façade et que l'école donne une explication officielle à cette censure et s'excuse. Je réfléchis aussi à une éventuelle action judiciaire. »

En novembre dernier, deux auteurs dont les ouvrages avaient été choisis par les jeunes lecteurs pour concourir au prix Ados organisé par la ville de Rennes avaient été censurés par quelques organisateurs bien pensants de ce prix. L’inspection académique d’Ille-et-Villaine avait donc retirée de la course « Je suis ta nuit » de Loïc Leborgne qui aborde le suicide d’un ado et celui de Nathalie Legendre, « Les Orphelins de Naja » qui a pour thème la pédophilie dans une institution religieuse. Mal leur en a pris, devant les nombreuses protestations et une publicité médiatique en règle, les deux ouvrages ont été remis en lice….

Deux exemples de censure pour de mauvaises raisons, dans le premier cas, il s’agissait d’éviter la colère présidentielle et dans le second exemple, protéger les ados de sujets brûlants qui les concernent. Eh vous les jeunes, voyez comme le monde est beau et gentil… pour sur, la télévision, Internet les jeux vidéos, leur dévoilent tous les jours cette insoutenable beauté du monde !

Mais l’autocensure est perverse car elle mine la création et la libre expression et reste souvent silencieuse. La peur fait des merveilles en la matière et nos sociétés deviennent peureuse à souhait … mais jusqu’où allons-nous ?

Un pays vieillissant et conservateur, … réveillons-nous, notre futur est dans nos mains.

Le meilleur pour la fin : la censure concernant les bannières de l’artiste chinoise vient d'un homme qui en a lui-même été victime. Henry-Claude Cousseau, le directeur de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) est en effet poursuivi par une association agenaise de protection de l'enfance, La Mouette. Il lui est reproché, en tant que commissaire de l'exposition « Présumés Innocents » au CAPC de Bordeaux, il y a quelques années , d'avoir diffusé des images « à caractère pornographique ». La cour d'appel doit statuer en mars sur cette affaire pour laquelle il reste mis en examen.