Il y a un point d’accord entre Edwige Antier, Elisabeth Badinter, les magazines féminins et autres spécialistes ès femmes !
Un point sur lequel toutes et tous sont unanimes.
Ce point c'est un mot. Ce mot c’est déculpabilisation.
Femmes actives ou au foyer, bonnes mères ou mères indignes, jeunes ou vieilles, grosses ou maigres, il faut déculpabiliser. DE-CUL-PA-BI-LI-SER.
Mais pour déculpabiliser la femme il faut d’abord culpabiliser
Prenons la mère de famille par exemple.
Si elle travaille, on lui dit que le plus dur ça va être d’entendre ses enfants appeler la nounou « maman ». Que la cantine, entre le gras trans et les conservateurs, c’est quand même risqué. Et puis que si elle leur consacrait un plus de temps, à ses enfants, ils connaitraient un peu moins les pokemons et un peu plus le stade de foot !
Si elle ne travaille pas, on lui expliquera utilement qu’elle risque de passer pour une nunuche. Qu’il n’y a pas que les purées maison dans la vie et que ses enfants elle devrait pas tant les couver, sinon y vont psychoter. On ajoutera aussi que perdre son autonomie financière c’est dangereux surtout par les temps (et les bombes) qui courent.
Quand la crise d’hystérie (ou de larme) est proche, elle est à point pour la déculpabilisation ! C’est le moment d’asséner : « non mais tu sais l’important c’est que tu sois épanouie hein. Des enfants heureux c’est d’abord une maman heureuse. Déculpabilise ! »
Et pour l’aider encore plus on pourra lui suggérer quelques lectures. Comme « les mères qui travaillent sont elles coupables ? »* ou « oser être une mère au foyer »**.
Les super fortiches en matière de culpabilisation/déculpabilisation ce sont les magazines féminins. Prenez ceux de ce mois ci par exemple. C’est bientôt le printemps, et après ce sera l’été !!
Page 2 « Plus belle en maillot de bain…on vous dit tout sur les nouveaux régimes ». Page 15 L’Actrice (ou LeManequin) vous dévoile le secret de sa forme éblouissante: citron/concombre/flocon d’avoines/cardio-training. Puis page 30, « bientôt Pâques…haaa on aime le chocolat ». Et enfin page 40 vous pourrez lire « la mode est aux rondeurs, alors déculpabilisez ».
En d'autres termes.
Vous êtes belles, minces, actives et en forme. Vous avez une vie ascétique tout en profitant de la vie, car faut rigoler quand même. Vous n'avez jamais de gras en haut des cuisses ni mauvaise mine.
Ah non ? Ohhhh Le gras (ou le teint terne, ou les rides ou être crevée…) c’est pas grave ! Et puis si ça vous arrive et bien .... déculpabilisez !
Mais qui a dit que la déculpabilisation devrait être une spécialité féminine ?
- « Dis donc mon Mari. Comme ce doit être terrible de ne jamais participer à la préparation du repas. J’imagine la culpabilité qui doit être la tienne. Je prépare seule du lolo en haut pendant que tu fais du chocolat en bas de fabuleux diners et toi tu te contentes de mettre les ‘pedis’ sous la table ! » (je parle volontiers latin le soir)
- « tu cherches à faire passer un message ou bien ? » me demande-t-il l’air vaguement désabusé.
- « que nenni », je réponds du tac au tac. « Je m’inquiète pour toi. Tu n’as pas manipulé une casserole depuis quoi ?10 ans ***? Je VEUX t’aider à te déculpabiliser. »
Et bien croyez moi au non, le lendemain soir, nous avons mangé des sushis de chez Déli Sushis. Et c’est pas moi qui les ai commandés !
Ah la culpabilité....un vrai moteur !!
* de Sylviane Giampino
** de Marie-Pascale Delplancq-Nobécourt
*** En vrai ça fait quand même beaucoup moins, mais faut pas hésiter à en rajouter des tonnes.
**** Photo "Lady Justice"