LA FRICHE ARTISTIQUE LYONNAISE RVI
EN DANGER DE DISPARITION
La friche RVI à Lyon, côté rue Feuillat
Aujourd'hui, exceptionnellement cet article ne s'attachera pas exclusivement à la cause sonore, même si, au
sein de la friche artistique concernée, beaucoup d'artistes "font et travaillent du son".
La question portera plutôt sur les pratiques culturelles et artistiques dites alternatives. Et notament autour
des lieux de création tels la friche RVI à Lyon, Belle de Mai à Marseilles... qui regroupent nombre d'artistes et de collectifs dans
un espace architectural d'anciens bâtiments industriels anbandonnées et déqualifiés. Ainsi, la Friche RVI lyonnaise est un lieu autogéré, donc non soumis à la pression des subventions publiques,
mais plutôt à la constante menace d'expulsion par le non renouvellement de son bail de mise à disposition du site industriel désaffecté.
Ces lieux où les municipalités n'ont finalement aucune emprise sur les modes de créations, les projets
artistiques, y compris les modes de vie des artistes-même, entre singularités personnelles et certains collectivismes que les frichards peuvent tisser (ou détisser) au fil des ans et des
projets.
Ces lieux qui finalement, devant le peu d'outils de contrôle, et la grande méconnaissance des techniciens et
élus, font plutôt peur aux instances de gouvernance municipales, qui semblent craindre tout autant des dérives artistico-idéologiques (l'artiste (trop) engagé, enragé, électron libre ?) que des
accidents liès à la sécurité des bâtiments, peur contemporaine quasi phobique des dirigeants de la Cité.
Où commence la peur fantasmée, où se place la Chose publique, la raison sociale, quelles sont les enjeux qui
s'immiscent dans le débat et les décisions politiques ? Vastes sujets.
Toujours est-il que Lyon, qui disposait jusqu'alors d'une des plus grande friche artistique européene autogérée
décide de ne pas reconduire le bail en 2009, et de raser les murs de la friches en 2010, ne gardant quasiment qu'une facade, témoignage archéologique industrielle des grandes années de Renault
Véhicules Industriels dans la cité lyonnaise.
Ceci dit, depuis le début de l'aventure, en 2002, cette épée de Damocles planait sur le lieu, et
donc sur ses résidents, le problème n'est pas tout à fait nouveau. (voire l'histoire de
la friche)
Cependant, plusieurs points semblent difficiles à accepter de la part des "frichards". Tout d'abord le fait
qu'il n'aient pas été directement prévenus, informés de cette rupture de bail. Le fait donc qu'il n'y ait pas eu de rencontres, de dialogues préalables avec la municipalité, qu'ils se soient
trouvés devant le fait accomplis sans aucune justification des instances municipales. Manque de concertation dira t-on pour faire court, comme un fait sociétal récurrent que l'on a toujours
beaucoup de mal à accepter.
De plus, à l'heure actuelle, où se sont engagés certaines rencontres, plus ou moins contraintes et impulsées
par les collectifs de la friche, peu ou pas de réponses claires sont données, peu de solutions satisfaisantes, à défaut d'être claires se dessinent quand à un éventuel relogement, alors que
beaucoup d'artistes perdront dans quelques mois des espaces de travail, des ateliers, conquis parfois de haute lutte, construits et aménagés au fil du temps de leurs propres mains. Sans sur-jouer
la carte nostalgique, il y a là de quoi à se sentir lésés, voire floués.
Image Blog deHessmann Isnard Nicolas et Marie Véronique
Quelles sont donc les véritables raisons de cette rupture de bail ? La modification du PLU (Plan Local
d'Urbanisme) évoquée par le Grand Lyon, la sécurité, ou la sécurisation des lieux, la suppression d'une certaine zone d'ombre dans la gestion d'une politique culturelle plus "clean", des raisons
économiques et financières, la friche RVI étant située dans un quartier statégique de Lyon très visé tant par des promoteurs que des institutions ou entreprises, un mélange de tout celà ? La
question ne trouve pas forcément de bonnes réponses pour l'instant, même si beaucoup échaffaudent leur propre théorie. La mairie quand à elle, se cantonnant dans une sorte de mutisme récurrent,
ne donne que peu d'informations sur ses véritables stratégies urbaines. Mais en détient-elle elle-même vraiment toutes les clés ?
Ce dossier semble en tout cas lui poser de gros problèmes, aux vues de la communiquation erratique qu'elle
manie, avec moult impréçisions, et gênes perceptibles.
Toujours est-il que pour l'heure, une dizaine de collectifs, des centaines d'artistes, qui
ont participé à la vie culturelle lyonnaise, exposé, présenté leurs spectacles, participé à de grandes manifestations publiques, animé des réseaux sociaux, des ateliers éducatifs, risquent de se
retrouver "à la rue" cet été.
Devant cette situation de précarité, qui semble parfois faire école dans toute les couches de notre société,
les artistes ne restent pas les deux pieds dans le même sabot, à attendre benoitement l'ordre d'expulsion fatidique. Certains se réunnissent dans de nouveaux réseaux, travaillant autour de
projets pour tenter d'envisager un avenir collectif, un après-friche qui tirerait des leçons de l'expérience vécue, avec ses points forts et ses faiblesses (projet Carré vert, Le lieu X).
Nombre d'artistes ont décidé d'agir pour faire connaître leurs difficultés tant vers le grand public, que vers
les les institutions, les associations culturelles et artistiques...
Des actions ont déjà été programmées en collaboration avec des associations et lieux culturels (X-situ 01 à la Boulangerie du Prado). D'autres sont en
gestation, interventions dans l'espace publique, rencontres débats, spectacles, participations à des manifestations lyonnaises, visites guidées et commentées de la friche...
A suivre donc.
De même, une action de sensibilisation, sous formes de textes manifestes, de cartes culturelles des lieux et
acteurs, d'installations plastiques symboliques, de rencontres avec les médias est en cours de réalisation.
Il est en effet important que le problème d'un (ou de plusieurs lieux ) culturels alternatifs, qui soient
résolument tournés vers la ville, vers les habitants, qui procèdent d'un mouvement collectif de proximité, investis dans les quartiers, les lieux publics, les institutions locales, soit débattus
sur la place publique. Car somme toute, la gestion culturelle et artistique de la ville appartient aussi, et peut-être surtout, aux résidents de la cité intra et extra
muros.
Il semble d'ailleurs que les médias locaux commencent à s'intéresser au sujet, preuve en est ce petit reportage sur une radio
locale.
Ou cet article de Lyon Mag.
Et puis, pour ne pas noicir le tableau à outrance, il paraîtrait que la ville commence à avancer les noms
de certains sites susceptibles d'accueillir des collectifs d'artistes.
Cependant, bien des questions, et non des moindres restent en suspend. Le lieu sera t-il un lieu unique,
centralisé, ou plusieurs espaces, inta muros ou non, accueillera t-il "tout le monde", dans quelles conditions, quand sera t-il prêt ?
Sans compter sur les propres réflexions internes à la friche, des artistes et collectif-même, et sur
leurs envies et projets futurs.
En tous cas une belle problématique à suivre... et à défendre pour que la diversité culturelle dont on nous
rabat souvent les oreilles ne soit pas qu'une formule de plus, dans l'air du temps, saupoudrée par des politiques culturelles qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs
instititions.