Par Camille Polloni Inrocks
Imaginez une ville de 100000 habitants, sans droite. Oooooh, c’est joli. Au conseil municipal de Montreuil (Seine-Saint-Denis), tout le monde est de gauche. Il y a une majorité (composée de Verts, d’ex-socialistes et de « membres de la société civile ») et une « minorité » PS/communistes/Gauche unie et citoyenne. Aucun UMP ne vient troubler cette utopie rose-rouge-verte, et pourtant les élus se tapent sur la gueule.
Le 18 février dernier, le conseil municipal tenait séance. Privé de neufs élus ex-PS de la majorité, très en colère, qui avaient décidé de ne pas siéger. Après avoir frondé contre leur parti en 2008, en s'alliant avec Dominique Voynet ce qui a conduit à leur exclusion du PS, ils se rebellent aujourd'hui contre leur maire. Conduits par deux adjoints, Manuel Martinez (urbanisme) et Mouna Viprey (première adjointe).
« Considérant que madame la Maire ne tient pas compte de notre position […] nous avons décidé de ne pas être présents à cette séance », avaient-ils prévenu dans un communiqué. Les élus réfractaires désapprouvent le budget primitif 2010 et regrettent le manque de dialogue avec Dominique Voynet.
Par la barbichette
« Coup de canif dans le pacte de la majorité municipale », estiment les Verts. Trahison, drame, tin tin tin. La maire décide de retirer leurs délégations aux adjoints rebelles. Les employés municipaux ne savent plus à qui faire signer les courriers.
Le désaccord sur le budget et sur le sort à réserver aux employés municipaux, qui réclament de meilleures conditions de travail et s’opposent au gel des postes, cache un profond problème d’alliances. Lors des élections de 2008, la liste Verts-exPS s’est constituée pour battre Jean-Pierre Brard, historique maire communiste en place depuis 1984 (et toujours membre du conseil municipal). Mais depuis l'élection, le mariage de raison ne suffit plus.
Les désaccords se succèdent parmi les 41 élus de la majorité et on prépare les grandes manoeuvres. Deal de départ : Dominique Voynet soutiendra le socialiste dissident Manuel Martinez aux cantonales de 2011 et la socialiste dissidente Mouna Viprey aux législatives de 2012.
En échange, les dissidents PS portent la candidature de Voynet à la mairie. Mais 2011 et la fin du mandat sénatorial de Voynet approchant, ses alliés craignent qu'elle change d’avis et se présente aux législatives. Représailles préventives : Manuel Martinez laisse entendre dans la presse qu’il pourrait briguer la mairie.
« Le problème, c’est qui contrôlera la ville, des Verts ou des socialistes ? » résume Olivier Madaule, ancien secrétaire du PC local et longtemps proche de l’ancien maire Jean-Pierre Brard. « Ca allait forcément clasher. A l’approche des régionales, Voynet compte sur un gros score d’Europe écologie pour asseoir son autorité et peut se permettre de retirer leurs délégations aux adjoints. Mais c’est peu lisible pour la population et un peu politicard. »
« Où vont-ils s’asseoir ? »
Politicard, c’est aussi l’analyse du PS « officiel », celui qui siège dans la minorité et a voté contre le budget. Alexie Lorca, présidente du groupe socialiste, déplore l’attitude de Mouna Viprey et Manuel Martinez qui « ont posé des bombes juste avant de partir en vacances ». « Ils auraient dû venir et expliquer leurs désaccords », estime Alexie Lorca. Malgré la volonté affichée de Claude Bartolone de réintégrer les exclus dans le PS, les socialistes « labellisés » rechignent à siéger avec ces mauvais coucheurs.
Et maintenant ? Que se passera-t-il au prochain conseil ? Dominique Attia, présidente du groupe communiste, s’interroge. « Font-ils toujours partie de la majorité ? Est-ce qu’ils vont venir ? Et où vont-ils s’asseoir ? » Clémentine Autain, la « parachutée » contre qui tonnait Brard en 2007 s’étonne de « pratiques politiques qui ne correspondent à rien sur le fond ». « Comme la gauche fait 80%, tout se passe comme s’il y avait un gâteau à se partager ».