" - Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou, approchez et venez respirer un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur de la ville."
Et le chien, en frétillant de la queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire, s'approche et pose curieusement son nez humide sur le flacon débouché; puis reculant avec effroi, il aboie contre moi, en manière de reproche.
" - Ah, misérable chien, si je vous avais offert un paquet d'excréments, vous l'auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l'exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies."
Charles Baudelaire, Petits Poèmes en prose (Le Spleen de Paris)
NDCB (notes de Charles Baudelaire) in "Le Salon de 1859" :
"On dirait que la petitesse, la puérilité, l'incuriosité, le calme plat de la fatuité ont succédé à l'ardeur, à la noblesse et à la turbulente ambition... il est bon de hausser la voix et de crier haro sur la bêtise contemporaine, quand, à la même époque, où un ravissant tableau de Delacroix trouvait difficilement acheteur à mille francs, les figures imperceptibles de Meissonnier se faisaient payer dix et vingt fois plus. Mais ces beaux temps sont passés; nous sommes tombés plus bas et M. Meissonnier qui, malgré tous ses mérites, eut le malheur d'introduire et de populariser le goût du petit, est un véritable géant auprès des faiseurs de babioles actuels."