La suite au prochain mauvais numéro

Publié le 03 mars 2010 par Doespirito @Doespirito
Je ne sais pas s'il faut en tirer une loi, mais on dirait bien que ceux qui font un remake d'un film en changeant le numéro du titre ne nous proposent en général rien d'autre qu'un navet numéroté. Je vais faire une analogie rapide, mais c'est un peu comme les papes. Ce n'est pas parce qu'on change de chiffre qu'on gagne une flèche.
Prenons par exemple "Huit et demi", ce chef d'œuvre du cinéma italien de la grande époque. L'origine du titre de ce film de Fellini vient du fait qu'il avait réalisé, à ce moment-là, sept films et deux courts métrages, assimilés par lui à des quarts de films. Soit huit films avec celui-là et un demi film, le compte est bon, pas mieux Patrice. Ce qui est amusant, c'est que Fellini se dépeint en cinéaste renommé mais dépressif, qui n'arrive plus à se concentrer sur le film qu'il doit réaliser, et que son entourage vient asticoter pour qu'enfin il donne les premiers tours de manivelle.
On aura pu en rester là, mais le film a suscité une comédie musicale créée à Broadway en 1982, qui a elle-même inspiré un avatar récent (sorti le 3 mars 2010). Rob Marshall a réuni pour son film Marion Cotillard, Nicole Kidman, Penelope Cruz et donc Daniel Day-Lewis. Et même Sophia Loren en mamma italienne... Comme mise en abyme, c'est moins réussi. Mais le résultat sera-t-il à la hauteur ? Rien n'est moins sûr : le démarrage est poussif et les critiques ont déjà dézingué le numéro avant même sa sortie en salle. On aurait pu s'en douter, tout le monde n'est pas Fellini.
Rob Marshall n'ayant pas réussi grand chose comme réalisateur, à part Chicago (ce qui n'est déjà pas si mal, il faut que j'arrête de ricaner, par moment...). Mais pourquoi appeler ça Nine ? Le héros à 49 ans et bientôt 50 ? Ils ont voulu arrondir ? Eh ben non, en fait, Guido Contini, le cinéaste en question, essaie de démarrer son prochain film, Italia, qui se trouve être le 9e de sa filmographie. Ah ouais, d'accord... Moi, je l'aurais appelé huit 3/4. je me comprends.
Ocean's Eleven est un autre cas de remake augmenté. En 2001, sous la direction de Steven Soderbergh, George Clooney a réuni sa pléiade de potes, Brad Pitt, Matt Damon, Andy Garcia, Julia Roberts... Je vais me faire incendier par mes amies inconditionnelles de Jojo le Clown : ce film était (assez) mauvais. Je n'étais pas le seul à m'endormir quand je l'ai visionné, pendant qu'on se pâmait à côté de moi. Mais comme c'est George Clooney qui régalait, on était prié de s'extasier à la sortie. Ce que j'ai fait avec une mauvaise foi qui m'émeut encore. C'est une recette qui marche, car c'est un remake d'un film réalisé dans les années 60, avec Frank Sinatra, Dean Martin, Sammy Davis Junior (fameux protagonistes du non moins fameux Rat Pack).
Quentin Tarantino, s'inspirant de cette idée de gang déjanté, a réussi un chef d'œuvre qu'il a eu la décence d'appeler Reservoir dogs. Ce qui prouve à la fois son génie et son incapacité à compter jusqu'à douze. George Clooney sait, lui, compter jusqu'à treize (même en millions de dollars), car il nous a ensuite aligné deux suites particulièrement pénibles, Ocean's Twelve et Ocean's Thirteen. Trois bouses à la suite, c'est quand même un exploit, il faut le reconnaître. Julia Roberts et Catherine Zeta-Jones ont eu la délicatesse d'abandonner cette galère en cours de route.
Comme il en sort un tous les trois ans (2001, 2004, 2007), il faut donc s'attendre à se colleter un plan triennal d'Ocean's Fifteen, Seventeen... Pour Ocean's Thirty, en 2058, Clooney aura 97 ans, un déambulateur et il sera propriétaire de sa maison de retraite et de la Warner Bros. Et moi, j'espère ne plus être là pour m'offusquer de cette production de navets à la chaîne.
Non, ce qui m'inquiète, ce sont les remake potentiels. Genre XIII ou Seven. XIII est une BD et une série télé, donc on devrait être tranquille un moment, le temps déjà qu'ils nous concoctent XIII, le film. XIV, ça sonnerait bizarre. Et c'est déjà pris par Louis le Grand. Seven, j'avais détesté la morale sous-jacente. Et puis honnêtement, je crois que le scénario n'est pas inspiré par le génie, mais déroulait les situations écrites de façon mécanique par des scénaristes besogneux, qui ne savaient pas comment s'en sortir à la fin. Donc je les dispense de nous trouver un autre pêché capital pour nous infliger un Eight. Voire un After-eight, encore que je préférerais la version chocolat à la menthe.

Reste encore les Huit mercenaires (il faudra bien reclasser Bernard Kouchner, un de ces quatre), Les Onze commandements (un de plus : "Tu ne feras pas de remake pourri". Par Cecil B. de Mille et un...), Les 13 salopards (ce ne sont pas les crapules qui manquent, par les temps qui courent), L'assassin habite au 22 (juste en face, dans la rue. Depuis, on respire au 21), Le facteur sonne toujours trois fois (avec le temps, Jessica Lange est devenue sourde) et Huit morts sur ordonnance. Mais là, au moins, ils auront l'excuse du dépassement d'honoraires.

Photos : Nine/CineMovies.fr/SND, Warner Bros, New Line Cinema/wikipedia