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Etat chronique de poésie 830

Publié le 03 mars 2010 par Xavierlaine081

830

Nuit froide sur la place Saint Sauveur.

La foule compacte, sortie d’on ne sait où se presse sur le parvis.

Les discussions vont bon train et se déclinent en l’infinie variété des discours convenus.

Parfois, un regard s’illumine, un rire résonne entre les murs et monte jusqu’aux étoiles.

Il fait froid, on se presse un peu plus contre le porte massive.

Les plus impatients tambourinent à la porte.

En dedans montent les voix : ultimes préparatifs avant le grand saut.

Elles sonnent bien, les voix, dans l’église vide. C’est comme un avant-goût de …

*

On entre. Les heureux bénéficiaires de places réservées(nul ne sait comment) par la gauche, le commun par la droite.

On s’acquitte de son obole, on marche dans la travée centrale, sous les voûtes romanes qui vibrent de cet engouement…

Pas de place dans les premiers rangs, réservés aux officiels qui, pour la plupart auront laissé leur siège vide. Le cumul des fonctions oblige, les officiels boudent souvent les manifestations culturelles, sauf en la présence des petits fours…

Or, pour l’occasion, ils étaient absents (les petits fours et les édiles municipaux), à l’exclusion d’une seule, unique fervente, dont on peut se demander quand elle trouve encore le temps de vivre, entre deux réunions, trois groupes de travail, une région, un conseil municipal, des élèves et une maison qui l’attend…

Bref, c’était samedi culturel en la jolie Provence. On se massait sous les voûtes. On attendait courtoisement mais non sans glisser quelques mots furtifs à son voisin.

*

On attendait sagement. Le spectacle à l’affiche alléchante promettait son lot de sublime beauté…

Un filet de voix s’immisce avec difficulté dans l’air tout à coup pesant.

Le chef sue, articule en silence, agite ses mains en tous sens…

L’organiste se penche, colle son nez sur sa partition. L’appareil est un hybride : mi orgue, mi harmonium, amplifié par deux enceintes dont nul ne comprend vraiment la présence.

Le Requiem s’avance, masqué, sauvé par deux voix de solistes …

Fauré lui-même aurait-il reconnu son œuvre ?

L’enfant s’allonge. Il pose sa tête sur mes genoux, ferme les yeux, écoute.

Le concert se termine, sous les timides applaudissements. Et comme le rappel tarde à venir et qu’il était prévu, alors on le bat, dès fois qu’un bis estompe les sentiments de frustration…

L’enfant affirme avoir passé une bonne soirée « quand même », bien qu’il n’ait rien reconnu de ces mêmes musiques écoutées en boucle depuis deux jours, dans sa chambre solitaire.

*

C’était un soir tel que la province sait parfois nous les fournir, insipide et froid, sans élan, sans allant, sans la fougue qui donne à la musique tout son pouvoir…

C’était un soir comme on n’en espèrerait plus : celle qui rend risible ces gesticulations et font du plus petit artiste venu de la capitale, un grand seigneur…

C’est une occasion ratée. Je suis dur et m’en excuse. Je sais trop le sacrifice, pour des gens qui travaillent, d’aller répéter, mais répéter n’est pas rendre travail ressenti. A vouloir trop en faire et trop vite, on gâche tout, et on donne des arguments aux adversaires d’une culture provinciale vivante…

Sans cesse, remettez sur le métier votre ouvrage, ne prenez pas ces airs contrits, histoire de vous prouver que vous avez « bien » travaillé.

La musique est ailleurs, dans une fluidité introuvable hier, dans une générosité sans retenue que vous ne pouviez donner, menés tambours battants quand il faudrait vous aider à l’élévation des âmes…

Un rendez-vous raté n’est pas porte fermée aux espérances…

Manosque, 31 janvier 2010

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