La Course des morts !
Gabriel Béland
Oubliez les Mardis cyclistes de Lachine, les cuissards et les barres énergétiques. La Course des morts, qui en était à sa septième présentation cette année, n'a rien d'officiel. Elle fait partie des quelques courses qu'organisent, chaque année, des messagers à vélo.
La Course des morts vise à rendre hommage aux messagers tués sur les routes.
«C'est une des plus importantes courses en ville. Des gens de New York, Boston et Toronto viennent à Montréal simplement pour y participer», explique Yohann Rose, messager de 30 ans, qui boit une grosse bière avant de prendre le départ au parc Jeanne-Mance.
«Il n'y a pas d'argent impliqué, précise Yohann. C'est symbolique.» Il n'y a pas non plus de parcours officiel. Quelques minutes avant le départ, les participants ont reçu un «manifeste», avec 13 questions. «Trouvez une date inscrite sur le tombeau de famille des Molson», demandait l'une d'elles. Les participants peuvent donc emprunter le chemin qu'ils préfèrent pour résoudre les énigmes. Le premier a terminé sa course en 1h30. Le dernier est arrivé à minuit, avec un temps de 3h30.
Ces courses de vélo sont courantes à Montréal; il y en a six ou sept annuellement.
Rencontré à la Course des morts, Olivier L'Heureux est l'organisateur de Beat The Main. Ce contre-la-montre de 11,5 km vise à parcourir le boulevard Saint-Laurent de la rue de la Commune jusqu'au boulevard Gouin. À cet événement, qui existe depuis quatre ans, un coureur a établi un record de vitesse: 16 minutes 10 secondes, soit une moyenne de 42 km/h... en pleine circulation, dans le sens de la montée!
«Les feux rouges sont une suggestion», admet volontiers Olivier, qui assure que ce record cycliste bien montréalais n'est pas entaché par le dopage.
«Dans ces courses, disons que l'EPO est remplacé par la bière...» Il explique aussi qu'il n'a jamais vu un participant se blesser «sérieusement». Il en a toutefois souvent vu recevoir des contraventions.
Yohann Rose explique que ces rendez-vous permettent de rassembler la communauté montréalaise des messagers.
«Nous sommes environ 200 à Montréal, des milliers dans le monde. Il y a une véritable contre-culture», dit-il.
Selon lui, ces courses sont d'autant plus nécessaires pour regrouper les coursiers que le syndicat qu'ils entendaient créer pour tous les messagers de la ville n'a jamais vu le jour.
«Les organisation de cyclistes ne représentent pas les messagers, croit Yohann Rose. D'ailleurs, en augmentant le nombre de cyclistes en ville, on rend notre travail toujours plus dangereux, en multipliant les risques d'accidents.»
Le dernier messager mort à Montréal s'appelait Nikolas Barkelay. Le 22 septembre 2002, il s'est fait heurter alors qu'il traversait une rue malgré le feu rouge. Il avait 22 ans.
AP