Jean-Claude Grumberg nous offre dans Les autres, actuellement au Théâtre des Mathurins, 3 moments de la vie des Laurent, une famille de Français moyens. 3 moments qui vont crescendo, du rire vers le pire.
Dans Michu, première des trois pièces constituant Les autres, Henri Laurent, le père, est confronté à son patron qui se plaît à le mettre dans des cases changeant chaque jour. « Pédéraste », « Franc-maçon », « Communiste », les moindres faits et gestes d’Henri sont prétexte à l’enfermer dans une boîte dans laquelle il peine à se reconnaître. Son patron semble à tout prix vouloir le prendre « pour un autre ». A tel point que Madame Laurent fini par ne plus très bien savoir, elle non plus, qui est réellement son mari.
Est-ce climat qui pousse Monsieur Laurent à représenter le summum de l’irrascible et du mépris de l’étranger dans le second volet : Les vacances? En tout cas tout y passe: dans ce restaurant d’un pays dont on ignore le nom, le serveur ne peut être que malhônnete, intéressé, malpropre…
Comme tous les étrangers d’ailleurs, c’est du moins ce qui hante l’esprit de Monsieur Laurent dans la dernière partie de la pièce, Rixe. Car le « métèque » qui a accroché sa voiture est comme tous ces autres, qui envahissent la France.
Les lieux communs servant le racisme ont ici la part belle. La force de Grumberg est de les mettre sur un fil, et de les faire balancer en permanence entre tragédie et comédie. Ce qui renforce le trait de lumière projeté sur l’absurdité d’une certaine façon de voir et de penser qui pourtant nous entoure, ou peut-être nous à frôlé. Car les autres, ce ne sont pas toujours ceux qu’on pense. Comme le démontre parfaitement la progression de la pièce: si dans la 1ère scène, c’est Monsieur Laurent qui est l’autre pour son patron, c’est bien lui qui perçoit par la suite les étrangers comme des envahisseurs. Les autres, ce sera peut-être un jour nous, car chaque volet suit toujours une progression, allant de la pensée à la limite du « politiquement correct » vers les affirmations outrageantes.
La dénonciation est forte, le principe est efficace, l’écriture incisive, et l’on conscientise beaucoup de choses tout en ayant le fou-rire – c’est toujours plaisant de pouvoir joindre l’utile à l’agréable. On regrette cependant les longueurs de certaines scènes, qui revêtent en conséquent un aspect répétitif. Et le jeu parfois trop caricatural d’Evelyne Buyle, pourtant sensationnelle dans certaines scènes.
Mais la performance de Daniel Russo, effroyablement convaincant en raciste paranoïaque, fait oublier ces écueils. Il nous emmène du rire jaune au regard noir, tant sa vision des « autres » est à la fois ridicule et inquiétante. Russo ne se moque jamais d’un personnage qu’il parvient à rendre hautement crédible en dépit de la folie qui le guette.
L’homme donne à pleurer mais prête à rire. Desproges avait résumé la bonne raison qui incite à aller voir Les autres.
Les autres de Jean-Claude GRUMBERG
Mise en scène de Daniel COLAS
Avec Evelyne BUYLE, Daniel RUSSO, Bernard TIXIER, Belkacem TATEM, Clément CHEBLI et Etienne DUROT.
Tarifs :
43, 32, 21€ (+ 2 € de frais de résa)
Tarifs spéciaux, dans la limite des places disponibles
Étudiants : 21.50€
Jeunes moins de 26 ans : 10€