Voilà fort longtemps que je n'avais apprécié un gyokuro 玉露. Il faut dire que j'ai toujours préféré garder mes distances avec ce type de thé japonais. On parle souvent d'"espresso de thé japonais".En effet, son mode de préparation fait que sur une infusion, on n'en déguste que quelques goûtes, environ 10 ml. Non pas parce que le gyokuro étant très cher on fait le radin, mais parce que pour en profiter pleinement, la quantité de feuilles par rapport à celle d'eau est très importante. Issu de culture ombrée, le gyokuro est extrêmement riche en acides aminés, très doux, et pour tirer avantage de cette particularité, on fait infuser à basse température, entre 50 et 60 °C.
Ainsi, son mode d'infusion, son goût puissant, parfois écœurant, sont la raison qui m'ont fait me tenir à distance de ce thé difficile à appréhender au quotidien. Mais comme toujours, l'occasion fait le larron, et je fut attiré de nouveau vers ce thé japonais de luxe, par le biais d'un gyokuro de Yame, présenté au concours général, et y ayant obtenu 159/200. Pas loin du podium. Et cela pour un prix tout à fait raisonnable vu le niveau. Il ne fut pas produit avec une variété destiné à la culture ombrée (genre Gokô ou Samidori), mais avec un Yamakai, variété à sencha, mais qui est néanmoins fort bien estimé pour faire du gyokuro.
Environ la moitié du gyokuro produit au Japon provient de Yame 八女 (Fukuoka), Uji est en réalité loin d'en avoir le monopole, d'autant plus que depuis quelque années, celui de Yame est bien mieux considéré. Je n'ai pas pour ma part une expérience suffisante pour pouvoir juger, mais je pense que ce jugement en faveur de Yame provient au moins en partie de l'aspect des feuilles. Le gyokuro de Yame est bien souvent bien plus finement roulé, uniforme et brillant que celui de Kyôto.
Quant est-il de celui qui m'intéresse aujourd'hui ?
Comme toujours mes médiocres photos ne rendent pas justice, mais du point de vue de l'aspect extérieur, c'est un véritable travaille d'orfèvre. Un splendide vert profond, brillant, aux reflets tirant sur le bleu de Prusse. Grande uniformité. Les feuilles sont longues, droites, très finement roulées, toujours tubulaires. On pourrait le prendre pour du roulé main. Rien à redire, en fait, sa valeur esthétique fait presque hésiter à faire subir l'épreuve de l'eau à ces feuilles.
On se reprend, on ne l'a pas acheter pour le regarder ! Je fais infuser pour deux personnes. 6 gros grammes pour 60 petits ml. 50°C, et 2 bonnes minutes.
Incursion au milieu de l'infusion
Une pâle liqueur fait son apparition, très parfumée, l'arôme si particulier et douceâtre du gyokuro, mais ici accompagné d'une étonnante fraicheur. J'en fais roulé longuement quelques goûtes sur ma langue. La saveur est elle aussi bien sûr typique, très forte, douce, avec une agressivité plaisante. Et surtout, pas le moins du monde écœurante ! Je suis charmé, et comprends plus que jamais qu'avec le gyokuro, pour éviter le déception, il faut visé le haut, le très haute de gamme.
Bien évidement, je ne m'en arrête pas là. Deuxième infusion, 60°C, 1 minute. La liqueur se teinte d'or, et le goût en est toujours aussi puissant et doux.
Je continue en montant la température jusqu'à la quatrième infusion, où le goût commence à tomber, mais toujours pas d'astringence notable. Enfin, je déguste les feuilles avec du ponzu. Sorte de très plaisante petite salade.
Un très grand gyokuro comme celui-ci offre un plaisir rare, mais qui doit je pense le rester pour ma part. Il me semble en effet que le risque de s'en lasser est grand.