Magazine Journal intime

28 février

Par Markhy

La dernière fois que je l’ai vu, c’était en juin dernier. Il avait vraiment grossi, la gueule super ravagée. Il fumait ses clopes avec difficulté, il tremblait à chaque pas. On avait trainé dans les vignes, on était les seuls à vouloir faire quelque chose de notre après-midi. Tous les cousins étaient maintenant de bons darons, profitant d’un samedi aprèm pour s’endormir dans l’herbe, en laissant les enfants répétaient nos bêtises d’enfance. Jouer au croquet et foutre le maillet sur la gueule du petit frère. Nous, nous étions les derniers grands enfants à pas trop savoir ce qu’on foutait là, juste de la présence, faire plaisir. Faire plaisir à maman, à tatie, à mamie et à 80% de ces gens qu’on n’avait jamais vu avant. Se montrer mais pas trop, garder les secrets, juste sourire, se dire « ok ». On avait parlé de sujets pas trop lointains, le boulot, ce qu’on allait faire en septembre. Sa sortie d’HP très vite fait, je connaissais pas les détails, je voulais pas les connaitre, la musique pas mal, les jeux vidéos quelques souvenirs, sur DAoC. On n’avait pas trop rigolé, en fait. Il m’avait demandé si j’écrivais toujours, il se rappelait de textes cools où j’écoutais Voodoo Ray en sautant sur le lit d’une gamine de quinze ans. Il était d’ailleurs dans une embrouille monstre avec une gamine du même age. C’était périphérique.

On se voyait peu, genre une fois tous les trois ans, ma famille (au sens large) est du sud-ouest et nous étions les franciliens. Je descends rarement, sauf un peu l’été. On se disait, blagueur comme on sait l’être en famille hein, « bon bah on se voit au prochain mariage », « bon bah on se voit au 60 ans de machin » . « Bon bah on se voit au prochain mort ». On pensait à notre grand-mère en disant ça.

Il s’est envolé. À 27 ans. Pas n’importe quel âge. Par la fenêtre de son appart’. Un geste que j’imagine pas, je flippe en regardant le lino, dés que je suis sur un escabeau. On se parlait rarement, internet ne rapproche pas plus que ça, et pourtant chaque fois qu’on se voyait, on restait étonné. On écoutait les mêmes trucs, on citait les mêmes références avec le même détachement de ceux qui connaissent un peu de tout. On avait les mêmes tics de langage. Nous avons été élevé par deux femmes qui sont soeurs, c’était notre seul lien. Il tenait, à une époque, un blog où il parlait de réaliser un porno avec des filles toutes jeunes. Il écrivait en ratant la ponctuation, c’était bourré de fautes et c’était unique. L’adresse s’est perdue.

Je suis vraiment un gros naze pour les hommages. Et j’aimerais ne pas penser à lui plus que ça. M’en foutre un peu, c’est une posture facile. Je me croyais émo qu’avec les meufs.

« ah les petites chatolics…mieux que les petites de l’ump au moins avec les chato on baise sans capote ». C’est le genre de trucs qu’on pouvait se dire.



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