Mariona Vivar
Le succès international des Monologues du vagin d’Eve Ensler et de la Maison de poupée d’Henrik Ibsen montre l’efficacité du théâtre pour dénoncer les discriminations et les violences conjugales.
© V Day Briser le silence, monter sur scène pour représenter l’injustice, la violence et la discrimination est un exercice libératoire, presque cathartique auquel s’est appliqué Eve Ensler, l’auteur de la célèbre pièce de théâtre "Les Monologues du vagin" . Son père était un important cadre d'entreprise et sa mère, mère au foyer. Pendant sa jeunesse, son père abusait d'elle, alors que sa mère était au courant et restait muette.
Les Monologues du vagin ont connu un succès international : la pièce a été traduite en 46 langues et jouée dans plus de 130 pays. Sa recette magique? Aborder un sujet intime sans tabous, avec un ton humoristique et assaisonné du combat contre la violence faite aux femmes. Des vagins qui ont connu l'orgasme à 72 ans, des vagins surexcités, des vagins maltraités et mutilés… Eve Ensler ose en 1996 rompre les tabous et rendre hommage à cette partie intime du corps de la femme.
© V Day Mais c’est le militantisme contre la violence faite aux femmes ce qui explique le succès de ses monologues. Elle a créé la fondation V-Day, un mouvement mondial visant à mettre fin aux violences contre les femmes et les jeunes filles et à sensibiliser l’opinion publique à ces problèmes. L’association permet à des bénévoles d’organiser dans le monde entier des représentations exceptionnelles des « Monologues du Vagin » pour récolter des fonds. Les fonds récoltés sont distribués à des associations locales, nationales et internationales.
Les Monologues du Vagin a été jouée à Paris au Théâtre Fontaine, puis à l’Européen, au Palais des Glaces, à la Comédie de Paris, au Petit Théâtre de Paris et enfin au Théâtre Michel. Plus de 2 500 représentations à Paris et, en tout, plus de 3 500 représentations (entre Paris et la province). Plus de 800 000 spectateurs sont venus applaudir les différentes personnalités qui ont lu ces textes.
Maison de poupée
Et si le théâtre n'était qu'un miroir grotesque de la réalité? Et si tout ce qui se passe sur scène ne serait-ce qu'un reflex ridicule de nos propres vies ? Henrik Ibsen a su critiquer les rôles traditionnels du mariage bourgeois dans sa célèbre pièce « Maison de Poupée » (1879), qui est jouée actuellement par Audrey Tautou et Michel Fau au Théâtre de la Madeleine, à Paris.
Nora, la protagoniste de "Maison de poupée" est une femme parfaite : bonne mère au foyer, elle s’occupe de câliner ses enfants et de danser pour son mari chéri. Mais un épisode tragique bouleverse la vie de Nora, qui enlève son déguisement de poupée, prend congé de son double rôle de mère et d'épouse et quitte le foyer. L’ « alouette » prend ses ailes et s’envole.
Une fin politiquement correcte
Vous pouvez imaginer le scandale qui provoqua la représentation de cette pièce à la fin du XIXème siècle. Juste après son apparition, un traducteur allemand, Monsieur Wilhem Lange, avertit l’auteur qu’il y avait des raisons de craindre que ne fût publiée une « version retravaillée » de la pièce en Allemagne. Afin de prévenir un tel risque, Ibsen envoie un projet de modification, « pour utilisation en cas de stricte nécessité », dans lequel Nora, au lieu de quitter le foyer serait contrainte par son mari à entrer dans la chambre des enfants. Quelques répliques y sont échangées, puis Nora s’écroule près de la porte avant que le rideau ne tombe. Ibsen qualifie ce changement d'« acte de barbarie » envers la pièce, et espère que les théâtres allemands qui s’en serviront ne seront pas trop nombreux. Malgré son indignation, Ibsen préfère rester maître de son texte plutôt que de confier les travaux de "remaniement" à des mains moins prudentes et moins expertes.
Extraits de la lettre ouverte qu'Ibsen écrit dans le journal danois Nationaltidende, le 17 février 1880.
Maison de Poupée est jouée jusqu’à fin juin à Paris, au Théâtre de la Madeleine, avec Audrey Tautou et Michel Fau, dirigé par ce dernier.