Oubliée entre les pages d’un livre que je n’ai pas ouvert depuis des lustres, j’ai retrouvé une fiche bristol, une fiche que je n’arrive pas à dater et sur laquelle j’avais soigneusement quelques vers prélevés de poèmes arabes anciens!
Je vous en livre quelques uns, dont certains semblent encore assez bizarrement d’actualité.
D’abord, le fameux poème de Abou Al Bakaa Ar-Rindi à propos de ses regrets après la perte de Al Andalouss par les arabes qui commençait ainsi :
لكل شيءٍ إذا ما تم نقصانُ — فلا يُغرُّ بطيب العيش إنسان
La suite du poème, empreinte de nostalgie douloureuse, nous rappelle la stupide guerre que certains européens ont récemment livré aux minarets :
حيث المساجد قد صارت كنائسَ — مافيهنَّ إلا نواقيسٌ وصُلبان
حتى المحاريبُ تبكي وهي جامدةٌ — حتى المنابرُ ترثي وهي عيدانُ
Le poète semblait avoir eu une vision prémonitoire de la situation actuelle des musulmans qui se déchirent dans des luttes fratricides et inutiles :
لماذا التقاُطع في الإسلام بينكمُ — وأنتمْ يا عبادَ الله إخوانُ ؟
Et ce dernier vers qui résume si bien la situation de beaucoup de nos immigrés dans ce qu’ils ont considéré comme l’eldorado :
بالأمس كانوا ملوكًا في منازلهم — واليومَ هم في بلاد الكفرِّ عُبدانُ
Un autre poème de Zoheir Ibn Abi Salma avait marqué mon adolescence car je croyais ne jamais parvenir ni à l’âge adulte ni encore moins devenir un homme âgé !
سئمت تكاليف الحياة ومن يعش ثمانين حولاً، لا أبالك، يسأم!
Ce poème était pourtant plein de sagesse et de conseils :
واعلم ما في اليوم، والأمس قبله، ولكنني عن علم ما في غد عمي !
ومن يجعل المعروف في غير أهله يكن حمده ذماً عليه، ويندم
ومن يجعل المعروف في غير أهله يكن حمده ذماً عليه، ويندم
ومن يغترب يحسب عدواً صديقه ومن لا يكرم نفسه لا يكرّم
لسان الفتى نصف ونصف فؤاده فلم يبقى إلا صورة اللحم والدم
Je n’oublierai jamais ce vers d’un poète anté-islamique, décrivant la fougue d’un fier étalon :
مكر… مفر… مقبل …مدبر معاً ….كجلمود صخر حطه السيل من عل
Je n’ai jamais saisi exactement le sens de ce vers mais son rythme m’a toujours impressionné !
Autre œuvre dont j’ai retrouvé trace sur cette fameuse fiche bristol : le poème que Al Farazdaq aurait improvisé en réponse à la question anodine de quelqu’un voulant se renseigner sur une personnalité :
هَذا الّذي تَعرِفُ البَطْحاءُ وَطْأتَهُ وَالبَيْتُ يعْرِفُهُ وَالحِلُّ وَالحَرَمُ
هذا ابنُ خَيرِ عِبادِ الله كُلّهِمُ هذا التّقيّ النّقيّ الطّاهِرُ العَلَمُ
Je trouve ce poème comme l’exemple type de la rhétorique et de l’éloquence arabe !
Derniers vers soigneusement recopiés sur cette fiche, l’entame de la Moula9a de M’rouou Al Kaiss :
قفا نبك من ذكرى حبيبٍ ومنزل … بسقط اللوى بين الدخول فحومل
فتوضح فالمقراة لم يعف رسمها … لما نسجتها من جنوبٍ و شمأل
Un souvenir amusant me revient à l’esprit chaque fois que je relis ces vers : la manière pour le moins originale avec laquelle un professeur d’arabe expliquait ce texte assez hermétique.