Il y a quelques jours de cela, cette campagne a soulevé une vague de protestations de toutes parts, vilipendant le message utilisé pour faire passer la campagne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Victoire du politiquement correct ou simple erreur marketing ?
Il n’est pas évident de trancher de cette manière face à cette publicité mais il s’agit en tout premier lieu de s’interroger sur ce qu’un message comme celui-ci doit évoquer comme univers à son public de destination.
Tout d’abord, la distinction fondamentale s’articule autour de la catégorisation de ce message. Est il une publicité ou une campagne de sensibilisation ? Dans chacun de ces cas, c’est toute la gamme d’évocation dans laquelle peuvent puiser ces messages qui n’est plus du tout la même.
La publicité se plaît à investir majoritairement des domaines du plaisir, de la jouissance, d’une certaine félicité matérielle et spirituelle. Cette grille d’éléments s’applique à de nombreux spots, de la lessive au parfum en passant par la pâte à tartiner jusqu’à l’automobile, le profil du dépressif notoir inacompli face à son nouveau produit n’est pas dans le genre publicitaire…
Dans le cas présent, c’est bel et bien le registre de la campagne de sensibilisation qui est déployé. Celui-ci se distingue majoritairement de la publicité par sa propension à encrer son message dans des réalités difficiles et communes. Cela étant, agir au coeur d’un espace largement partagé en offrant un message tout aussi commun mettant l’accent sur le côté précepteur de l’information n’est pas en soi la technique la plus efficace.
Faisant communément face à de nombreuses publicités qui attirent l’attention par leur évocation d’univers fantasmés, le domaine de la prévention s’engouffre dès lors dans le registre de “l’impactant“. Prévention routière, lutte contre le tabagisme, prévention des risques liés à l’alcool, toutes ces grandes thématiques ont usées de campagnes qualifiées de “choc” par la dureté des comparaisons ainsi que des exemples utilisés. La tendance peut paraître être une spirale infernale, cependant c’est par ce biais que les messages se transmettent et deviennent viraux au coeur des instances médiatiques.
Et pourtant pour cette campagne-ci, la levée de boucliers a eu lieu, instaurant une limite purement morale là où la pertinence des messages se soumet le plus souvent à l’irrévérence publique. Deux éléments de base font que cette décision a été prise : la manipulation malsaine faite d’adolescents. Le mythe de l’enfant roi est intouchable actuellement, son image tout comme son statut ne peuvent plus être mis en dérision sans froisser les idéaux de beaucoup. Ensuite, c’est l’image simulée de la fellation qui choque. Acte sexuel faisant de la soumission de l’un le plaisir de l’autre, cette position ajuste au sens commun l’idée désagréable d’inégalité, faisant du puissant le maître dictant à sa guise toutes ses volontés.
En guise de conclusion, cette campagne demeure être un produit de communication très efficace dans sa propension à choquer (donc à faire passer son message) tout en gardant à l’esprit que la communication publique est invariablement associée aux principes publicitaires, les plus efficaces en terme de transmission, ce qui impute aux messages de prévention une part fantasmé, décrochée des réalités cartésiennes. A chacun de ne pas être terre à terre et de se savoir expliquer le second degré à ceux qui en manqueraient.