Le Chili a été frappé, vendredi, par un séisme majeur d’une magnitude de 8,8 sur l’échelle de Richter. Plus de 700 personnes sont mortes dans cette catastrophe, un bilan relativement faible pour un séisme de cette ampleur. Pour le géophysicien Raùl Madariaga, professeur à l’Ecole normale supérieure de Paris, ce bilan s’explique par les efforts qui ont été faits dans la construction des infrastrucures après le séisme de 1960 qui a détruit le sud du pays.
D’un point de vue géologique, que s’est il passé ?
Le séisme de vendredi est assez typique du Chili. Il y a eu un mouvement de subduction entre la plaque sud-américaine et la plaque de Nazca. Le Chili remonte sur cette dernière. Elles sont en frottement et bougent l’une par rapport à l’autre d’environ 8,5 centimètres par an. D’un coup les contacts entre les plaques ont cédé et elles ont glissé de 5 à 10 mètres. On parle de rebond élastique. Dans cette région, survient un gros séisme à peu près tous les cent ou deux cents ans. Les plaques étaient bloquées depuis le milieu du XIXe siècle.
Pouvait on l’anticiper ?
On ne pouvait pas le prévoir, il n’existe pas de méthode précise de prédiction. Mais nous savions pertinemment qu’un tel évènement aurait lieu. Par ailleurs, beaucoup de sismologues chiliens et étrangers se sont interréssés au Nord du Pays. En conséquence, l’activité sismique a été moins suivie. Le réseau de surveillance – GPS notamment – est moins bien développé.
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Malgré sa forte magnitude, le bilan du séisme est faible comparé à celui d’Haïti. Pourquoi ?
Les deux séismes sont sans commune mesure. Celui du Chili est une centaine de fois plus important que celui qui a frappé Haïti au mois de janvier. [L’échelle de Richter est une échelle logarithmique.] En Haïti, la faille est directement sous la ville. Dans cette région du Chili, elle commence à une trentaine de kilomètres de profondeur et s’étend sous l’océan jusqu’à une centaine de kilomètres. Si la terre avait tremblé de la même manière il y a trente ans, des dizaines de milliers de morts seraient à déplorer.
En 1960, le sud du Chili a été dévasté par le plus gros séisme qui ne s’est jamais produit – 9,5 sur l’échelle de Richter. Les Chiliens ont depuis appris à construire correctement en respectant les normes antisismiques, les ingénieurs ont été formés aux meilleures techniques. Du coup, les infrastructures sont bonnes et la plupart ont tenu. On ne peut pas prévoir les séismes, mais bien construire est primordial pour les prévenir. Il y a malheureusement peu de chose à faire contre le tsunami, qui est la cause principale de destruction dans la zone épicentrale. Les chiliens se sont échappés vers les collines comme ils avaient été formés à le faire, ce qui a sauvé beaucoup des vies.
La terre a tremblé à plusieurs reprises ces derniers mois : en Haïti en janvier, au Japon ce week-end. Y-a-t’il un lien entre ces séismes ?
Aucun lien ! La Terre tremble tout le temps et partout. On a tendance à faire le rapprochement, mais il n’y a aucun lien. Ce ne sont pas les mêmes plaques qui sont en jeu.
Ce séisme peut-il engendrer une augmentation de l’activité volcanique au Chili ?
[Cité dans un article du New Scientist, le volcanologue brittanique David Pyle dit “attendre une augmentation de l’activité volcanique dans les douze prochains mois”.]
Après le séisme dévastateur de 1960, on a observé une activité volcanique qui pourrait s’expliquer par le fait que les volcans sont également dus à la subduction. Pourtant, j’hésite vraiment à faire une telle prédiction. Il n’y a aucune certitude, notamment car la périodicité des éruptions volcaniques est beaucoup plus longue que celle des séismes au Chili. Près de Concepcion, à l’épicentre du séisme culmine le Nevados de Chillàn, un volvan très actif. Il est très surveillé, on saura s’il entre en éruption.
Photo : AFP/Francesco Degasperi - Carte : CC