Tiogou est une
petite merveille. Nous y découvrons deux sublimes cases des femmes menstruées. Considérées impures pendant leurs
règles, elles y sont barricadées ; un peu rude tout de même, si ce n’est
que cela leur permet d’être dispensées d’un travail souvent coriace.
Sur la place du
village, des enfants miment les cérémonies si célèbres des masques Dogon, le
Sigui en particulier, qui a lieu tous les 60 ans (le prochain aura lieu en
2027, prenez date). Cette fête suprême commémore le plus vieil ancêtre ressuscité
sous forme de serpent, l’illustre Lébé,
créature pourvoyeuse de forces (et aussi protectrice des placentas, pas de sot
métier).
Imaginez-vous
quelle fut la surprise des hommes qui, trop à l’étroit dans leur bourgade
(quelque part dans le pays Mandingue) au point
de la quitter pour conquérir l’actuel pays Dogon, tombèrent nez à nez avec ce gros reptile
gluant alors qu’ils cherchaient à déterrer les os de leur aîné, que l’on ne pouvait
définitivement pas abandonner là.
Aujourd’hui
encore, on dit que le Lébé vient chaque nuit enduire de sa salive le corps du
chef spirituel Hogon, pour l’imprégner de vigueur et de puissance.
Les enfants
dansent sur la place publique, que domine un énorme figuier, au rythme de tam-tam imaginaires et de
factices clochettes. En guise de kanagas ou de masques zoomorphes, ils portent
des feuilles percées de trous et traversées d’un bâtonnet de bois. Les chimères
prennent vie peu à peu, nous entendons les tambours (un bout’ chou de 3 ans à
peine qui tape résolument sur une boîte de conserve éventrée) et les petits
corps, éclairés par les rais lumineux de la fin de journée, semblent à présent littéralement
possédés par le dieu-serpent.
On a sacrément
rigolé. D’autant plus qu’ici les enfants ne vous harcèlent pas de : Ca va
les bonbons ? Toubab bidon ? (blanc, donne moi ta bouteille) Toubab
le bic ? et autres interpellations qui je vous l’assure, malgré toute
votre bonne volonté, vos velléités de compréhension et de discernement,
finissent par vous taper sacrément sur le système. Désastreuses conséquences
des actes de touristes qui s’imaginent bien faire alors qu’en réalité ils pervertissent
un fragile équilibre. Ne donnez rien directement aux enfants, leurs parents en
feront des mendiants et ils se retrouveront à apostropher les toubabs de
sobriquets dont ils ne comprennent pas même le sens. Si vous souhaitez aider,
passer plutôt par les directeurs d’école, les guides ou les chefs de village
(encore que certains principes de redistribution sont parfois
discutables).
Expérience
beaucoup plus saine ici donc, nous sommes pris d’assaut par nos petits danseurs
en herbe mais il s’agit d’une saine curiosité,
réciproque par ailleurs.
Nous longeons
la falaise recouverte d’or pour rentrer à Yendouma, précédés de femmes en file
indienne, à la stature droite et farouche, malgré les lourdes charges qui
pèsent sur leur crâne. Nous les observons longuement, plongés dans une certaine
humilité …