Une affiche jaune fluo sur laquelle gambadent, sourires ultra-bright en avant, deux gays et leurs chiens miniatures, a déjà de quoi interpeler. A fortiori quand le titre, bleu aquarium, couronné
d'un petit coeur, annonce clairement la couleur: une comédie romantique... homo. Déjà, ça bouscule sensiblement les habitudes... en bien.
Mais quand les têtes d'affiche s'avèrent être les très reconnus Jim Carrey et Ewan McGregor, là, logiquement, on se dit
qu'il y a un truc à ne pas manquer (soit pour être le témoin d'une réussite fulgurante, soit pour assister à un ratage colossal), quand bien même on est persuadé que tout ce petit monde marche
complètement sur la tête. Déjà, le capital sympathie du film est au top, et ce n'est pas la présence de Luc Besson - qui officie ici en tant que producteur
éxécutif - qui va y changer quoi que ce soit.
Attention: méga coup de coeur!
"Is gay and stealing something that goes hand in hand, or?"
Tout commence sur les chapeaux de roues avec une introduction par lui-même du personnage central de ce film: Steven Russell. Une présentation pas piquée des vers qui nous fait remonter à la
génèse de toute l'affaire, alors qu'il n'était encore qu'un gamin donnant des formes subjectives aux nuages dans le ciel. D'emblée, l'existence (réelle) de Steven prend un tour tragi-comique
lorsque ses parents lui annoncent de but en blanc qu'il a été adopté (la scène est d'ailleurs très drôle), annonce qui va conditionner en partie le reste de sa vie. Dés lors, Steven suit un
parcours ultra balisé, inspiré par les clichés sociaux et, surtout, par une mission qu'il s'est donné, et qui trouve son aboutissement dans une séquence là encore tragi-comique. Et puis, après
apparut comme le bon citoyen, le bon flic, le bon mari, le bon père et le bon chrétien - bref, comme le fantasme américain de l'individu parfait - Steven achève nonchalamment son portrait en
révélant qu'il est... gay. A partir de là, l'histoire prend un tour bien plus interressant. Car, alors que Steven a un accident de voiture alors qu'il rentre de chez l'un de ses camarades de
jeu, celui-ci décide solennellement de cesser de se voiler la face, et de vivre son homosexualité au grand jour... mais pas seulement.
Car on aurait tort de croire que le film ne traite que de l'homosexualité. Loin de là! Et c'est ce qui en fait toute la richesse à la fois narrative et suggestive. ILYPM (excusez le raccourci), s'attache premièrement à la personnalité d'un homme... qui ignore qui il est. En
définitive, on assiste à la quête existentielle d'un type qui ne sait comment ni par quoi se définir autrement que par l'amour qu'il porte d'abord à sa mère, à sa femme, puis à Jimmy, et enfin à
Phillip, le grand amour de sa vie. Pris dans un engrenage infernal dont il croit d'abord maîtriser la mécanique, il finit par s'enliser dans les diverses combines frauduleuses qu'il a lui-même
mis en place, à l'image du héros de Soderbergh dans The Informant, Mark Whitacre, ou de Franck Abagnale Jr dans Catch me if you can de Spielberg. Fraudes à l'assurance, fausses identités,
professions fantasmées, mensonges, voici le quotidien de Steven qui, s'il est conscient de ce qu'il fait et d ece qu'il risque, ne voit pas d'autres solutions pour à la fois épater son amant et
assurer un train de vie plus que confortable à ses proches. ILYPM est avant-tout le portrait d'un homme
victime de sa propre ambition, de sa déraison, et dont l'identité propre lui échappe complètement. Il ne vit que pour l'instant présent, sans se soucier (ou si peu) des conséquences de ses
multiples larcins, résolu à mener la vie dont il a toujours rêvé. Une sorte d'escroc à la petite semaine, brillantissime cependant, dont la devise serait "carpe diem".
"I love you Phillip Morris!"
Dans le rôle de celui-ci, Jim Carrey se surpasse. Ne renonçant pour rien au monde à ses pitreries, il leur donne ici un sens nouveau, peut-être plus mature,
qui va parfaitement dans le sens de ce personnage désaxé prêt à toutes les folies par amour. A la fois touchant, déconcertant et hilarant, il se démène tout le long pour embobiner son petit
monde, son amoureux, et nous, public, qui sommes aussi dupes que les autres de ses tromperies. La force de ce personnage, d'ailleurs, réside clairement dans sa dimension auto-destructrice, tandis
que l'on assiste, impuissants, au spectacle toujours ambivalent du type qui creuse sa propre tombe. Et c'est sans nul doute ce qui achève de faire de cette romance une histoire crédible de bout
en bout: cette façon à la fois extravagante et typiquement humaine (c'est-à-dire avec son lot de grosses erreurs) qu'il a d'aimer, incapable de réfréner cette irrésistible ascension vers le plus,
toujours plus, et la catastrophe attendue. On a cependant pas affaire une seule seconde à une forme de caricature quelconque: Steven est un être consistant, doux-dingue, mais avec ses fêlures,
ses contradictions, et une complexité émotionnelle réelle, qui dissuade tout jugement à la hâte... et assure le parfait équilibre entre drame soft et comédie pure.
"Love sure is a funny thing: makes you happy, makes you sad, makes you do all sort of things you'd never thought you'd do
before..."
En résumé, I Love You Phillip Morris fait mouche, dans tous les domaines, harmonisant avec bonheur
tragi-comédie, comédie romantique, comédie de moeurs et plaidoyer intelligent, dans une mouvance politiquement pas correcte, et avec cette impression agréable de banalité familière sur un
terrain pourtant encore jugé tabou. C'est impertinent - et pertinent d'ailleurs - réjouissant, attendrissant, hilarant, émouvant, bref, c'est très réussi, et c'est à ne surtout pas
zapper.
*Indice de satisfaction:
*1h36 - américain - by Glenn Ficarra, John Requa - 2010
*Cast: Jim Carrey, Ewan McGregor, Leslie Mann, Rodrigo Santoro...
*Genre: I love you, man
*Les + : Une interprétation aux petits oignons, une histoire admirable... Méga coup de coeur je vous dis!
Merci à Luc Besson d'avoir permis la sortie de ce film!
*Les - : un petit passage
à vide en moitié de film, rien de méchant...
*Lien: Fiche film Allocine
*Crédits photo:
© EuropaCorp Distribution