Pour ne rien manquer je loue un taxi (les bus ne reprennent que demain). Je tombe sur un Fangio. Ses yeux sont bridés, mais pas son moteur.
Il ne négocie pas plus les virages que la Wen Jiabao à Copenhague; un bon coup de klaxon et ça doit bien passer. Quand on rattrappe une voiture, un coup de klaxon pour la dépasser. Quand on rattrappe un piéton, coup de klaxon pour le prévenir. Dans le doute, coup de klaxon pour s'abstenir.
J'ai à peine le temps de m'y faire que déjà nous y sommes. 32 kilomètres en 45 minutes, ça ne paraît pas folichon... mais il faut voir la route. C'est une moyenne avec des pointes à 90 !
Le chauffeur, un vrai poète, insiste pour visiter avec moi. Il me demande trois ou quatre fois quel intérêt je peux bien trouver à ce village. Et pour tout dire je suis bien en peine de fournir une explication convaincue.
De belles maisons clinquent sur les rues, des bandeaux de caractères rouges encadrent les portes et des épis de maïs pendent aux embrasures des fenêtres.
Un gourmet du lieu a installé une cuisine portative, ancêtre gargantuesque du butagaz. Les fumets qu'il exhalent me mettent l'eau aux babines.
A présent, petit quizz culturel.
Question à 10 kuai: à Shiqiao (石桥) où donc est le pont (桥) de pierre (石)? Réponse: suivez la rivière.
Question à 100 kuai: où mène-t-il? Réponse: pas de réponse. Il conduit au pied d'une falaise creusée par la rivière et qui s'élève à pic en surplombant la ville. Et là, fini.
En bon cartésien, je traverse pour voir. Quelques marches, un semblant de sentier accroché au roc qui s'arrête vite fait. Cul-de-sac. Mon coeur d'Ingénieur du Corps des Ponts bondit dans ma cage thoracique.
Un plan de relance sous les Tang? Mon poète de chauffeur suggère, pragmatique, qu'il a été construit pour disposer d'un endroit où se réunir pour discuter.
J'achète 40 kuai de papier de riz (celui-là même qu'utilise la bibliothèque de Pékin !) et je rentre au bercail.