Peut-être par un petit rappel historique, pour dresser la toile de fond devant laquelle les évènements actuels qui font et défont le système de santé qu’on nous prépare, et qu’on commence à construire au bulldozer et à la dynamite, pourront enfin commencer à prendre place.
Il n’est bien sûr pas question de faire ici œuvre d’historien professionnel, d’éclairer du jour aveuglant de la vérité tous les méandres de la longue histoire qui a mis au cours des siècles les soins à portée du plus grand nombre et la médecine au service de chacun. Il ne s’agit modestement que de rappeler la trame et les enjeux essentiels qui ont planté le décor auquel nous sommes aujourd’hui accoutumés, afin que les évolutions en cours puissent prendre leur sens et laisser transpirer leur logique. Afin aussi que le journal des péripéties de la réorganisation de l’hôpital qui nous occupe ici prenne toute sa dimension de réalité au lieu d’en rester à l’impression kafkaïenne d’insondable mystère qu’il laisserait à un lecteur non ainsi éclairé.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : observer et comprendre le bouleversement imposé à un système éprouvé, à une machine huilée par les ans, sous les effets conjugués de dogmes managériaux, de contraintes financières, de choix budgétaires, d’appétits réformateurs, de conditionnement social, … et parfois de préoccupations de santé publique, le tout dans une stratégie tantôt de conciliation, tantôt de passage en force avec son cortège de coups bas, de dissimulations, de jeux de pouvoir. Observer, comprendre, mais aussi suivre lucidement, autant qu’il est possible, l’application actuelle à la hussarde de ce bouleversement, en dirigeant l’objectif sur un hôpital particulier.
Bien sûr, le sort d’un hôpital en particulier ne résume ni l’ensemble d’un système de santé, ni une politique générale. Mais il montre de manière concrète les vicissitudes, les difficultés, la violence des évènements et des pratiques en cours. Et s’il est humain pour chacun de penser qu’on peut regarder de loin et sans émotion excessive le boulet tomber sur le village voisin, voire même de se dire que s’il est pris pour cible ce n’est peut-être pas par hasard, ou encore qu’après tout s’il faut des victimes autant que ce soit lui plutôt que soi-même, il est tout aussi humain d’imaginer qu’une machine qui rode sa capacité de destruction et ses procédures d’action ne tardera sûrement pas à les détourner vers les objectifs les plus divers. Et que le village aujourd’hui épargné ne vit plus qu’un simple sursis.
Mais revenons en à notre rappel historique.